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404             ÉTUDE SUR QUELQUES ANNÉES

 faire mourir le chevalier, étant certain de son innocence,
 et qu'il n'y avait nul sujet de le condamner; mais il voulait
 en tirer par la peur, par les tourments et par l'apparente
 certitude de la mort, les secrets de l'intrigue de la reine,
 de Mme de Chevreuse et du garde des sceaux Châteauneuf.
Laffemas avait promis au Ministre qu'il le tourmenterait si
 bien qu'il en tirerait à peu près ce qu'il en désirait savoir,
 et que sur peu de mal il trouverait moyen de lui faire son
 procès selon les manières mêmes du cardinal qui, à ce que
 j'ai ouï conter à ses amis, avait accoutumé de dire qu'avec
 deux lignes de l'écriture d'un homme, on pourrait faire le
procès au plus innocent, parce qu'on pouvait sur cette
 matière ajuster si bien les affaires., que facilement on y
pouvait faire trouver ce qu'on voudrait. Sur ce fondement,
Laffemas travailla au jugement du chevalier de Jars ; il le
menace et l'interroge, et fait tout ce qu'une âme pleine de
lâcheté est capable de faire. Un jour, qui était la fête de
tous les Saints, ce méchant juge voulant montrer à cet
innocent criminel qu'il avait quelque douceur pour lui, lui
permit d'entendre la messe. Il le fit mener avec une bande
d'archers et une bonne garde aux Jacobins de cette ville.
Le chevalier de Jars, qui de soi était violent dans ses
passions et hardi à parler, vit Laffemas avec sa femme qui
vinrent communier au grand autel ; il était intendant de la
province et craint de tous. Mais le chevalier qui ne crai-
gnait personne, attentif et occupé de son affaire, voyant
que cet homme venait de recevoir le saint sacrement, tout
d'un coup s'échappe de ses gardes, et comme il se trouva
proche de Laffemas, il saute sur lui, le prend à la gorge, et
lui dit qu'ayant sur ses lèvres son Dieu et son Sauveur
vivant, il était temps de dire la vérité et de le justifier
 devantDieu et devant les hommes, et d'avouer son inno-