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362 LES CONFESSIONS DE Mme ARTHUS * ** Cependant, l'aurore frangeait de rose et d'argent les cimes bleues des montagnes prochaines. Bientôt les pre- mières lueurs du jour éclairèrent le curieux tableau que je vais tenter d'esquisser. Nos trois promeneurs, gagnés par la fraîcheur et le som- meil se sont peu à peu endormis, qui allongé sur un banc, qui renversé ou avalé dans un fauteuil d'osier. Au second plan, derrière la grille du jardin, des montagnards se ren- dant au marché défilent sur la grande route, non sans s'arrêter un moment, ébahis à la vue de ces hauts person- nages dont la tenue confond toutes les notions que le vulgaire peut avoir sur le port de l'uniforme. Soudain, au braiement d'un âne en belle humeur, les dormeurs se réveillent comme tous mus par un même ressort. Aussitôt, les paysans rangés devant la grille, saisis par le sentiment qu'inspire toujours aux masses la représen- tation de l'autorité, se découvrent avec respect devant le trio officiel. Aucun des trois n'avait envie de rire, je vous le jure. Mais il n'en était pas de même d'une personne qui venait à l'instant d'apparaître à une fenêtre de l'hôtel. Mme Arthus, matinière par habitude et qui, ce jour-là , était bien excusable d'avoir le sommeil troublé par la pensée du retour de M. de Regnaudy, s'avançait sur le balcon de sa chambre, en claire toilette du matin. Elle eut un bel éclat de rire et allait rentrer chez elle, en levant les bras au ciel, quand le préfet, qui avait deviné, rien qu'à la figure du colonel quelle était cette dame, quitte