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358           LES CONFESSIONS DE M mt ARTHUS

     — Il est un, en effet, grand, brun; le regard sûr trahit
  une pensée ferme; le visage est sévère, mais la parole
  douce ; beaucoup de distinction et un air de jeunesse, mal-
  gré ses quarante ans accomplis.
     — Voilà, ou je me trompe, un type de seigneur et
  maître !
     — Oui certes. De plus, il est veuf lui-même, ce qui
  établit entre nous une communauté de situation. Mais c'est
  un officier, et, avec ces militaires, une femme ne sait jamais
 si c'est l'homme ou l'uniforme qu'elle épouse. »
     La conversation, une fois engagée sur ce terrain, se pro-
 longea tard, comme on pense. J'appris que M. de Regnaudy
 sous-directeur du génie, était veuf d'un premier mariage,
 contracté presque au début de sa carrière et d'une courte
 durée. En sus de sa solde, il possédait une couple de mille
 francs de rente. C'était chez une vieille parente à lui, habi-
 tant Bar-sur-Mer, qu'il avait rencontré la jeune veuve. La
 bonne dame s'était chargée d'entamer les négociations;
 plusieurs entrevues avaient eu lieu chez elle, et les choses
 avaient été si discrètement conduites que rien n'en avait
 transpiré en ville.
    M. de Regnaudy allait être promu au grade de lieutenant-
colonel et nommé à la direction d'une place des Pyrénées.
Un changement de résidence ne répugnait nullement à
Mme Arthus; au contraire, m'avoua-t-elle. Elle n'aurait pu
admettre la pensée d'introduire un autre mari dans le maga-
sin où elle avait été la femme de M. Arthus, et, en vertu
de ce même sentiment, elle acceptait avec plaisir l'idée de
vivre sa seconde existence dans une ville nouvelle. Au sur-
plus, son petit Jean, que nous entendions par intervalles
tousser en dormant, était si délicat que le séjour du Midi
lui serait escellent.