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LES CONFESSIONS DE M mc ARTHUS 357 cheminée. Madame est à l'étage au-dessus, occupée à cou- cher les enfants, et j'entends par moment le petit Jean qui toussotte, pris d'un peu de rhume. L'accueil est des plus affables, Je constate que la robe noire n'a point encore cédé la place aux toilettes simple- ment grises ou sombres. « Ne recevant pas de nouvelles, fait-elle avec un fin sou- rire, vous venez en prendre vous-même. — Alors, il y en a? — Si peu. Je puis presque dire qu'il n'y a rien. — Peu de chose, mais encore, répéterai-je avec le chien de La Fontaine. — Apprenez, cher Monsieur, dit-elle, après avoir sonné pour demander le thé, apprenez pour le cas où vous ne le sauriez pas, qu'autant il est aisé de se laisser marier, autant il est difficile de se marier soi-même. Si le mariage mys- tique séduit tant de femmes qui embrassent la vie religieuse et y trouvent la félicité, c'est non seulement parce que l'époux est parfait, mais aussi, je me figure, parce que le mariage se présente sous une forme impersonnelle et que chacune des divines épousées façonne un peu cette forme à son gré. Pour les simples mortelles, il n'en va pas de même; le mariage se personnifie nécessairement en un être qu'il faut trouver d'abord et conserver ensuite, quel qu'il se révèle dans l'intimité. — Gardons-nous de rien exagérer, Madame. Le mariage suit la loi commune aux choses humaines : en tout, la sagesse est de chercher l'absolu, mais de savoir se contenter du relatif. Les candidats à votre main ne manquent pas, j'en ai l'assurance, et si j'interprète bien vos paroles de tout à l'heure, il en est au moins un dont vous inclinez à pro- noncer l'admissibilité.