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AVEC L'ABBÉ DE BARRUEL 49 invoquaient deux juridictions différentes, Soulavie voulant faire condamner son adversaire par la justice civile comme diffamateur, et Barruel se retranchant dans le domaine théologique et réclamant en conséquence la juridiction ecclésiastique. Barruel écrivait, le 28 juin 1785, à son père en Vivarais : L'anonyme qui vous a envoyé le mémoire de M. Soulavie est M. Soulavie lui-même. J'ai du moins une forte raison de le croire, puisqu'il l'a dit ici à l'abbé de la Vèze, de qui je le tiens. Pour m'en assurer un peu mieux, faites-moi le plaisir de m'envoyer sa lettre. Elle ne serait pas une pièce bien essentielle au procès ; n'importe, je suis curieux de l'avoir. Mais ce qui m'importe surtout, c'est que vous et mon cher frère très particulièrement, vous soyez un pen moins inquiets sur cette affaire. Vous pouvez bien penser que, n'étant pas ce qu'on appelle un crâne ni un fanatique, j'ai fait, dans cette occasion, tout ce qu'il était possible de faire pour éviter un procès de cette espèce. Le cousin d'Aleyrac pourra vous donner un échantillon de ma com- plaisance et du peu de succès qu'elle a eu sur notre tête volcanique. Je ne sais trop ce qu'il va faire en ce moment, mais le procès va prendre la tournure qu'il redoutait le plus : l'archevêque est décidé à le faire évoquer à l'ofEcialité par son promoteur ; et de peur que M. Sou- lavie ne se croie en droit d'en appeler comme d'abus, sous prétexte que ni lui ni moi ne réclamons notre privilège ecclésiastique, il a été décidé que je le réclamerais, moi, et que le promoteur viendrait à l'appui. Dès lors, tous ses efforts pour être jugé au Châtelet seront inutiles, parce qu'il est constant que je puis réclamer mon privilège en tout état de cause. D'ailleurs, eussions-nous plaidé au Châtelet, ne croyez pas que je dusse avoir grand'peur. M. le lieutenant criminel, qui aurait été, en ce cas, notre seul juge, est le plus honnête homme du monde, et personne ne voit mieux que lui l'indécence du procès suscité par M. Soulavie. Il m'a même demandé quelques jours pour l'amener à la raison, ce que je n'espère point du tout. Ainsi lundi ou mardi prochain, je fais signifier mon évocation à l'officialité, et ce n'est pas là sans doute que vous craindrez la prépon- dérance du parti philosophique. Notre Monsieur appellera infailliblement N° 1. —Juillet 189a. 4