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38 LES DÉMÊLÉS DE SOULAVIE Il est certain que Barruel avait plus de verve et écrivait beaucoup mieux que Soulavie, et l'on peut supposer que cette polémique a dû faire rire alors bien des gens aux dépens de son adversaire. Toutefois, son brillant tableau de la puissance divine ne suffisait pas à changer la consti- tution géologique du globe, et la preuve que les théories du petit vicaire n'étaient pas si extravagantes, c'est que la science les a consacrées et qu'elles sont acceptées depuis plus d'un demi-siècle, même dans les rangs les plus ortho- doxes. Il y a lieu de penser aussi que Soulavie n'avait pas les vues blâmables que lui prêtait Barruel. Le fait est qu'il protesta contre les accusations de matérialisme et d'impiété dont il était l'objet. Il déclara qu'il n'avait jamais entendu donner au monde une autre origine que celle indiquée dans l'historien sacré, et il se hâta de faire paraître le cin- quième volume de son Histoire naturelle, où se trouvent s-a profession de foi (6) et le discours qu'il devait prononcer à l'ouverture des États du Languedoc, discours dans lequel il déclare que l'athéisme perd les Etats. Mais l'intraitable théologien ne fut pas désarmé et continua d'accuser Sou- lavie d'impiété et d'athéisme. C'est alors que celui-ci se décida à porter l'affaire devant les Tribunaux. L'extrait suivant des Mémoires de Bachaumont nous paraît représenter assez bien l'opinion du public intelligent, extra-clérical mais non pas anti-clérical, sur cette polémique entre les deux prêtres vivarois, en même temps qu'il nous fait connaître certains détails ignorés, et notamment les fâcheuses conséquences morales et financières qu'avaient eues pour Soulavie les critiques de Barruel. (6) Tome V, 237.