Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
348                       LA VALBONE.

 rinstaurer au lieu où iadis elle estoit. Le Rosne, en fin se
ioignant avec la Saône vers la place de Confort, et y cou-
rant d'vne impétuosité merueilleuse excita aussi vn merueil-
leux effroy et crainte à vn chacun, et donna occasion à plu-
sieurs qui se tenoyent asseurez de craindre et de se douter
de quelque chose sinistre et prodigieuse. Et à dire vray, les
maisons pleines, l'eau violente par tout, et tousiours
croissant, les basteaux courans par la ville, ne predisoyent
rien de bon. Ceux qui voyoyent quelques ruines faites par
l'eau, crainoyent qu'autant ne leur en aduint, et tel voyait
son voysin en peine, qui n'en esperoit gueres moins. Au
reste, le lundy sur les trois heures après la minuict (selon
l'aduis d'vn chacun) les eaux commençant à descroistre, et
le Rosne à abbaisser sa fureur, les rues à se vuider, les
 maisons aux champs à apparoistre, la terre à se descouurir,
 les arbres à se monstrer, la pitié ni la misère ne fut gueres
 moindre qu'alors que la violence de l'eau regnoit. Bien il est
 vray que chacun se resiouissoit, pour ee voir hors de
 danger, pour se voir deliuré de telle inondation : mais Testât
 auquel toutes choses estoyent, frisoit aucunement souuenir
 du déluge qui escheut du temps de Noë. Car alors, les eaux
 abbaissées, la terre estoit toute déserte, sans habitans, sans
 bestail, hormis ce qui estoit en l'arche : i'en diray presque
 autant estre aduenu au païs ou ce déluge a exercé sa furie.
    « Premièrement od ne pouuoit iuger que estoyent deue-
 nus vn infinité d'hommes, femmes et petits enfans, habi-
 tans dudit plat païs, si l'eau les auoit emportez, si les mai-
 sons tombées sur eux, accablez : dauantage on ne voyoit
 que ruine, ou bien petite apparence de maisons, ou peu
 auparauant il y auoit eu beau bourg ou village : place
 nette, ou nagueres métairie, ou quelque bel édifice : lieu
 plein de bourbe, ou beaux près : lieu desgarni d'arbres, qui
  en estoit bien fourni : places remplies de toutes immondices
  qui peu auparauant seruoyent d'esbat à vn chascun : Helas
  ceux qui couroyent pour tascher à sauuer quelque peu de
 leur bien, et ne trouuant que lieu vuide, n'eussent-ils fait