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84 POÉSIE. Va vers ces hommes, plein d'audace, L'indignation sur la face, Le désir du bien dans le cœur ! La main levée, avance, avance ! Brise leur veau d'or et leur danse ! Qu'ils s'agenouillent dans la peur ! Mais sois calme dans ta colère, Pour que le mal soit conjuré ! Dans tout homme ne vois qu'un frère, Lors-même qu'il est égaré. Hélas ! dans ce siècle hypocrite Où chaque maison porte écrite La devise : Fraternité ; Hélas ! quel est le seuil qui s'ouvre A l'amour ? le toit qui recouvre L'indulgence et la charité ? Le riche en de brillants scandales Dépense son or et son cœur ; La poussière de ses sandales Souvent marque au front le malheur. La pauvreté, qu'il humilie, Prise de fureur et d'envie, Veut tremper les mains dans son sang, Les amis, ô honte suprême ! Les fils et les pères eux-mêmes S'abordent en se maudissant. « Et les humains, pour se détruire, Ravagent les vieilles forêts. — Où donc s'en va ce grand navire Avec ses mâts et ses agrès ? — Des flots affrontant la colère, Dans son sein il porte la guerre A des ennemis inconnus. — Pourquoi ces moissons désolées ?