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52 VICTOR DE LAPRADE mieux lorsque la passion circule à travers une œuvre, sans se produiredirectement. La haine créera l'ïambe, et la elle est a sa place. Mais elle ne convient ni à la grâce de l'idylle ni à la divine impartialité de l'épopée,et je préfère l'indifférence olympienne de Gœthe réfléchissant ses drames « comme un océan réfléchit ses rêves » aux préoccupations de Victor de Laprade qui, trop directement, a fait sentir dans Peraelle l'ardeur de SBS passions personnelles. C'est la haine qui est le fond de son poème; c'est elle, plus encore que la vieille ballade, qui en a été l'inspiration. Il y a cependant quelque distance entre le citoyen et l'artiste. L'un appartient à la politique qui appartient au temps, l'autre à l'art qui n'est tel que parce qu'il participe de la sérénité naturelle et je suis surpris que le grand poète de la nature ne se soit pas souvenu que la beauté de la création ne vient point des empêtes et des orages par lesquels elle est parfois trou- blée, mais de sa placidité parfaite, source de l'ordre qui est lui-même la première condition de la vie. Cela dit, et cette remarque étant la plus importante qu'il fallût faire, je passe a l'analyse du poème, combinaison de l'épopée et de l'idylle, qu'importe? pourvu qu'y éclatent le génie du poète et l'âme du chrétien. Est-ce que l'idylle ne fleurit pas dans l'Odyssée et dans l'Enéide ? Mais aujour- d'hui, pour faire un bon poème; outre un bon poète il faut un vrai chrétien, parce que depuis deux mille ans tout ce qui existe subit la loi du Christ. En réalité, Pemelle est une idylle où l'élément épique naît de l'occasion. La scène s'ouvre par un dialogue plein de naturel et de délicatesse entre le père de Pernette et la mère de Pierre, futur mari de la jeune fille. Jacques, entouré des parents et des amis invités aux fiançailles , promène Madeleine au milieu de ses champs et lui en fait admirer la richesse et la