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                   LES BIBLIOTHÈQUES DE LYON                       321

trésor accumulé, con amore , après tant de patientes et
coûteuses recherches , est dispersé comme le sont les
feuilles desséchées de nos bois, par un vent d'automne.
Le savant, qui ne parcourt souvent que longtemps après
ces catalogues, ne les connaît que quand il n'est plus temps,
— et les conservateurs de nos Bibliothèques publiques,
convoqués à ces ventes, y sont condamnés, presque tou-
jours, au supplice de Tantale (1). Ils voudraient acheter


   (1) Ces malheureux bibliothécaires ressemblent alors assez à des
pauvres affamés qui passent devant un restaurant où dînent de riches
et joyeux convives. Ils regardent tristement le somptueux repas servi
sur la table, et mettant la main dans leur poche vide, ils se disent :
« Tout cela n'est pas pour moi ; si, au moins, une miette de pain tom-
bait de la table, on me la laisserait peut-être ramasser. » Ce ne sont
plus que des miettes qui tombent aujourd'hui dans nos Bibliothèques
devenues des pauvres honteux
   Tombés dans une espèce de discrédit durant une longue suite d'an-
nées , les incunables sont de nos jours beaucoup plus recherchés
qu'ils ne l'ont jamais été ; personne n'y a plus contribué à les remet-
tre en honneur que l'abbé Mercier de Saint-Léger, Lyonnais de nais-
sance et un des plus savants bibliographes français. Les éditionsprin-
ceps des classiques grecs et latins ont reconquis toute l'estime qu'elles
avaient perdue ; elles sont aujourd'hui poussées à des prix exorbi-
tants dans les ventes aux enchères; il en est ,1e môme des livres fran-
çais du xv" siècle et surtout des romans de chevalerie, qui se vendent
dix fois plus qu'ils ne se payaient lorsqu'ils sortirent des presses de
nos premiers typographes. »
   M. Péricaud aîné écrivait ces lignes, en 1851, dans sa Bibliogra-
phie lyonnaise du xve siècle, page 12. Que ne dirait-il pas aujour-
d'hui, après ce laps de vingt-trois ans, des prix qu'ont atteint ces édi-
tions? C'est presque aujourd'hui de la folie et ces prix interdisent
à toute Bibliothèque publique, même la mieux subventionnée, la pos-
sibilité d'en acheter. Les bibliomanes, au lieu d'aider au progrès de
la science, la font stationnaire ; les hommes studieux, mais de modes-
tes moyens, sont privés absolument de la jouissance de ces ouvrages
accaparés