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118                         VJCTOR DE LAPRADE
et dans leur amour, peu à peu Pierre et Pernetle remon-
tent le passé. Ils remontent, à l'aide des souvenirs, aux
jours de leur enfance.
      — < Je te revois petite avec tes jupes blanches,
           t
      Quand nous jasions tous deux, à l'abri des buissons,
      Parlant de nos oiseaux, des chiens, de nos leçons. »
      — «                 Et plus tard, grande et fière,
      Je suivais mon chasseur des prés à la bruyère,
      Non sans un peu trembler des coups que j'admirais.
      Tous ces pauvres oiseaux, comme je les pleurais ! »
      — « Mais la douce saison est enfin commencée
      Où ta petite sœur devint la fiancée
      Et se promit à moi dans un aveu charmant. »

   Pierre entraîne Pernette au milieu de la forêt, lui mon-
trant les huttes faites de rameaux et les grottes secrètes où
campent ses compagnons. La jeune messagère connaît tous
ces enfants du pays, et à chacun d'eux elle dit, en passant,
un mot de ses vieux parents, de sa promise, de sa mère.
Puis les deux fiancés montent ensemble vers le plateau
désert d'où se déroule l'immense horizon. Ils vont,
      « Goûtant à leur insu la haute volupté
      De se parler d'amour devant l'immensité. »


   — Sommes-nous sur la terre ? s'écrie Pernette agitée par
     •
toutes les grandes émotions que fait naître dans l'âme le
spectacle de la nature, complice elle-même des tranports du
cœur.
       < Est-ce toi que je vois, toi que j'écoute, o Pierre ?
        t
      Je t'aime en ce désert d'un amour tout nouveau ;
      Jamais je ne t'ai vu si puissant et si beau ;
      Jamais je n'ai senti, comme sur ces bruyères,
      Mon cœur tout débordant d'espoir et de prières ;
      Jamais, jusqu'à ce jour, Dieu dans notre amitié
      Ne m'a si bien paru s'être mis de moitié. »