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VICTOR DE LAPRADE 33 fécondité, Avec quelle fierté naïve de paysan enrichi ne vanle t-il pas son vaste domaine. « . . . . J'ai su m'arrondir ma petite province ; J'y suis maître et j'habite au milieu, comme un prince. J'ai tout ce qui s'étend de la vigne au ruisseau ; Ces trèfles, ces froments, ces prés bien pourvus d'eau, Ces chanvres près du bord, courunt le long des aunes, Et là -liaut, sous les pins, ces seigles déjà jaunes ; Ma forêt qui verdoie, au nord de la maison, Avec ces rochers noirs finit à l'horizon. Jadis un taillis maigre, un fourré de broussailles, Prolongeait au couchant le bois jusqu'aux murailles ; Que j'ai mis là d'argent, de sueurs et d'ennui ! Mais cent tonneaux de vin en coulent aujourd'hui, Et ma vigne, si haut sur les monts reculée, Y mûrit sans subir ni brume ni gelée, Tant l'héritage entier, sur un sol attiédi, Reçoit un bon soleil du levant au midi. » Dans cette énumération de ses trésors, Jacques n'en oublie qu'un, sa fille. Mais Madeleine, par une gracieuse réplique, va réparer cet oubli peut-être politique et volon- taire. « Oui, le sol est fécond, plaisant est le manoir ; Vos fruits, bons à goûter, Sont radieux à voir. Mais l'or de vos froments et vos pêches vermeilles N'ont pas plus de rayons et de fraîches couleurs Que les yeux de Pernctte et que sa joue en fleurs. Et vos prés, votre vigne, enfin tout l'héritage, Rien ne vaut ce trésor caché dans le ménage. Jamais dans la maison plus d'ordre et moins de bruit N'ont jamais témoigné du soin qui la conduit. Tout abonde et reluit sous les doigts de Pcrnelte ! On dirait qu'une fée a prêté sa baguette. » Pour n'être pas en reste avec Madeleine, Jacques, qui attendait cet éloge, d'y répondre ainsi :