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VICTOR DE LAPRADE 47 voulu le combattre. 1 y a dans les « Poèmes Evangêliqucs » 1 un épisode de la seule invention du poète, unissant ensem- ble la plus grande séduction a la plus grande audace, et qu'il m'est impossible de ne pas admirer par-dessus tout. En cela, le cœur est complice de la témérité de l'écrivain, et le charme humain qui le gagne triomphe de l'austérité de la tradition apostolique. Voici ce passage de la « Tentation. » Jésus vient de quitter le toit maternel. Sa mission doit bientôt commencer ; il marche vers le désert. Déjà Nazareth disparaît h ses yeux derrière la montagne; déjà les maisons plus rares font place aux tentes des bergers et les champs couverts d'une moisson jaunissante à quelques maigres sil- lons parsemés de pierres arides. Tout annonce le voisinage de la plaine déserte. Un dernier champ d'épis, une-vigne qui s'élève d'un buisson d'églantiers, une herbe épaisse el verte autour d'un vieux puits, un verger, des fleurs près d'une humble maison attirent un dernier regard sur les confins de la terre cultivée. Tout est propre et charmant dans ce domaine ; tout, dans ce logis, indique la joie et le travail. A sa vue, le divin pèlerin s'avance d'un pas moins ferme et son Iront se ride de plis rêveurs. « Il semble ne souffrir qu'à partir de cette heure Cet intime combat dont le ciel est l'enjeu Et que soutient en lui l'homme appuyé du Dieu. » Jésus connaît cette paisible demeure a laquelle le ratta- che depuis longtemps un lien hospitalier. Au retour de ses courses, il y trouvait un bienveillant accueil. C'était là qu'il se disait comment le bonheur peut un moment se montrer a nous ici-bas. Heureux l'homme à qui seraient permises sous ce toit les amours de la terre ! Jésus s'approche sans être remarqué. A travers le buisson fleuri qui le cache, il voit la cour où le vieil habitant de la