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LES BIBLIOTHÈQUES DE LYON 9 « Les administrations de district rendront compte à la Convention nationale du travail relatif à la confection des catalogues de chacune des bibliothèques de leurs arrondis- sements respectifs, dans la décade qui suivra la réception du présent décret. » Mais ce décret resta encore lettre morte, surtout à Lyon. Cette malheureuse ville était encore alors en proie à la fièvre révolutionnaire. Si le sang coulait un peu moins sur l'échafaud, il y avait une recrudescence d'impiété. Le Directoire du département rendait un arrêté qui prescri- vait l'anéantissement immédiat de tous les signes du fana- tisme et de la superstition. La Raison avait été érigée en divinité et l'église Saint-Jean était devenue son temple. Quelques jours auparavant, la fête de l'Egalité avait été célébrée aux Brotteaux sur le lieu même où tant de Lyon- nais avaient été si odieusement massacrés. Mais si on adorait la Raison dans l'église Saint-Jean, on traquait surtout, avec acharnement, les prêtres appelés réfractai- res dont une loi tyrannique violentait la conscience, et ils arrosaient l'échafaud de leur sang (1). (1) Notre génération a trop vite oublié les effroyables secousses qui déchirèrent alors le sein de la France ; on peut s'en faire une idée par ce qui se passait dans une seule de ses familles [que je prends au hasard, celle do M5' Mioland, un enfant de Lyon. « Cette année de terreur, racontait-il à ses amis, réveille encore en moi les plus dou- loureux souvenirs. Un de mes oncles avait péri dans le siège ; un autre avait dû fuir avec l'armée ; M. Alhuinbert périt sur l'échafaud ; ma grand-mère était presque ruinée. M. Veran s'échappait de prison et gagnait à la nage la petite ville de Grigny. Mon père, pendant trois mois, s'était tenu renfermé au fond de sa cave. Partout la stupeur... Chacun tremblait ; on brûlait tous les livres où se trouvait le nom de Dieu. Pas un crucifix ne restait dans la maison de mon père. La crainte d'une indiscrétion de ma part en était venue à ce point qu'on