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souveraineté de la raison n'aboutisse qu'à l'isolement et à l'in-
dividualité, elle est, au contraire, le principe unique de rap-
prochement et d'union entre les membres divers de la grande
famille humaine. A elle seule doit s'adresser quiconque entre-
prend d'établir l'harmonie entre les hommes divisés par les
préjugés et par les passions. Otez cette raison universelle en
vertu de laquelle des hommes de différents pays, de mœurs et
de passions diverses s'accordent cependant à déclarer que telle
chose est vraie, que telle chose est juste, ou encore que telle
chose est belle, et le genre humain tout entier demeurera li-
vré à une anarchie profonde qui ne pourra avoir d'autre
terme que celui de sa propre existence.
De même que la raison est le principe unique de l'harmonie
entre les intelligences humaines, elle est aussi le principe uni-
que de la vraie obéissance. Car cette soumission aveugle qui
découle de l'ignorance ou de la crainte ne mérite pas le nom
d'obéissance. La seule vraie obéissance, la seule qui ait de la
dignité, de la force et de la durée, c'est l'obéissance raison-
nable, c'est-à -dire celle qui résulte d'un acquiescement volon-
taire de la raison, Ã certaines lois, Ã certains principes, 'parce
qu'elle juge que ces lois ou ces principes sont l'expression de la
justice et de la vérité.
Si nous croyons à la souveraineté de la raison et si nous nous
empressons de la proclamer, c'est que nous croyons aussi Ã
la valeur et à la légitimité de ses témoignages. La raison est
un merveilleux instrument qui, lorsqu'il est convenablement
dirigé, nous donne la vérité. En présence d'une analyse psy-
chologique suffisamment approfondie tombent toutes les ob-
jections plus ou moins spécieuses inventées par la raison
humaine. Sans doute la raison peut nous égarer lors-
que , dépassant les bornes de l'expérience, elle se lance
dans les théories et dans les hypothèses, mais elle est in-
faillible tant qu'elle s'en tient à ces expériences immédiates
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