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574 imposants débris de ces vastes constructions où pouvaient s'étager, à la fois,ici, vingt-cinq mille spectateurs, là , trente à quarante mille, vous frappent aujourd'hui d'une admiration mêlée de tristesse et d'effroi. Voilà donc tout ce qui reste de ce pouvoir si fort et si grand ! des édifices à demi-ruinés, ou gisant sur le sol, et qui virent camper tour à tour dans leur enceinte des barbares velus de peaux et parfumés de beurre rance^ les noirs enfants du prophète et les chevaliers du moyen-âge, ou bien des mendiants en guenilles ! Quel silence de mort sur ces gradins qui furent envahis par des flots de spectateurs, qui retentirent du bruit des applaudis- sements et du choc des factions diverses, qui eurent le secret de tant de causeries et de tendres sentiments ? Oh ! quand vous passez par ces nombreux et larges vomitoires où se ruait la populace gallo-romaine ; quand vous interrogez du pied et de l'œil ces faibles vestiges d'un théâtre écroulé, que vous vous adossez à ces deux colonnes d e b o u t , mais usées par le fer et par le feu (1), une invincible tristesse vous pèse sur l'ame, et vous songez malgré vous à tous ces affreux r e - tours du sort et du temps. Une autre cause d'attristantes pensées dans les villes de domination romaine, ce sont les musées lapidaires où l'on amasse les derniers débris d'un peuple éteint et couché dans la terre comme les morceaux de pierre et de marbre que les savants disputent chaque jour au sol. Vous avez là , sous les yeux, fidèlement disposé, tout ce que l'on a pu sauver de statues de dieux ou d'hommes, de tombeaux, d'inscriptions, de vases, d'urnes funéraires. Grands et petits., les morts a p - paraissent ici avec ce qui reste de leur vie mortelle, un frag- ment de tombe, quelques lignes où furent gravés des regrets, des pleurs, de fastueux éloges. Pesez ces urnes lacrymaloires, combien trouverez-vous de livres, dans ce puissant, dans ce riche d'autrefois ? (1) Il reste dans les ruines du théâtre d'Arles deux colonnes qui portent des traces d'incendie.