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273 ies litanies de la Vierge, saluant de temps à autre la multitude qui se pressait aux portières. « A la descente du pont de Saône, M. de Thou dit à son ami, en l'embrassant à quatre reprises ; « Je vous demande très humblement pardon, si j'ai été si malheureux que de vous avoir offensé en quoi que ce soit. — Hélas ! monsieur ré- pondit M. Le Grand ému jusqu'aux larmes, c'est moi qui vous ai bien offensé, et » Il ne put achever, mais ils s'em- brassèrent tendrement. M. de Thou reprit, après quelque temps : « Vous devez avoir bien des regrets de mourir- vous étiez le favori d'un grand roi, mais je vous assure qu'il n'y a rien à regretter ; tout cela n'est que du vent, et Dieu nous sauve. » Il arriva que M. de Thou mit une fois la tête hors du carosse pour se recommander aux prières du peuple, ce qui émut si douloureusement un groupe de demoi- selles qu'elles poussèrent de grands cris ; la multitude témoi- gnait sa douleur et sa colère par un sourd murmure. Quant aux confesseurs, les larmes du peuple et la belle constance des condamnés les surprenaient au point qu'ils ne proféraient aucune parole. M. de Thou dit : « Cher ami, qui mourra le premier? — Celui que vous jugerez le plus à propos, » ré- pondit M. de Cinq-Mars. Le P. Malavalette s'adressant à M. de Thou : « Vous êtes le plus vieux. — Il est vrai dit M. de Thou, qui, se tournant vers M. Le Grand : Vous êtes le plus généreux. Vous voudrez bien m'ouvrir le chemin de la gloire. — Puisque je vous ai ouvert celui du précipice, j'irai le premier. » « Le carosse s'arrêta au pied de l'échafaud. M. de Cinq-Mars en descendit d'un visage ouvert. Il posait le pied sur le second échelon de l'échelle, lorsqu'un archer lui enleva son chapeau par derrière. Lors il s'arrêta court, s'écriant .- « Eh! laissez- moi mon chapeau ! » Puis le reprenant, il s'en recouvrit, et acheva de monter. Il fit un tour sur l'échafaud, salua avec une grâce parfaite tous ceux qui étaient à sa vue, et se livra à son confesseur pour être dépouillé. Ensuite, s'approchant 18