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 qui se réunissait dans un café, vis-à-vis l'Esplanade, qui
 est pour la ville de Nîmes une sorte de boulevart des Ita-
liens, et qui voit, aux beaux jours, dans les soirées d'été,
se dérouler en longues théories une population de gais pro-
meneurs. La jeunesse Nîmoise est vive et a l e r t e ; elle jette
les saillies par larges ondées , et l'on sent en elle l'ar-
deur des têtes méridionales. Ce fut donc au sein de cette
société, où se trouvaient quelques hommes d'esprit, ce fut
là que la verve poétique de Reboul vint à s'éveiller. Il com-
posa, entre un verre de bière et un cigare, des chan-
sons satiriques qui ne sortaient pas du cercle des amis. Un
M. Laurent, membre de la Société, fit représenter au théâ-
tre de Nîmes un vaudeville, et pria Reboul d'écrire, pour
la joindre à cette pièce, une cantate sur la guerre d'Espa-
gne. La cantate arriva, elle fut chantée aux grands applau-
dissements de la salle. Celte pièce révéla aux Nîmois un
vrai talent poétique, à moins que l'ode à la Sainte Vierge,
qu'il a intitulée Mes Premiers Vers, n'eût déjà paru. Ces deux
pièces n'eurent pas la publicité des journaux. Plus tard ,
l'Ange et l'Enfant parut dans la Quotidienne, et mit en lu-
mière le poète-boulanger.
   Il ne faut pas prendre trop à la lettre ce que M. Dumas
fait dire à Reboul sur la douleur qui l'a rendu poète ; il était
poète avant d'avoir perdu successivement deux femmes qui
ne lui ont pas donné d'enfant. Néanmoins ce double convoi,
celte solitude renouvelée deux fois autour de lui, après le dé-
part d'un père d'abord et d'une mère ensuite, toute celte
série de douleurs domestiques dut tourner l'esprit de Re-
boul vers de tristes méditations, et faire vibrer sur la lyre
une corde plaintive. En ce sens, À. Dumas aurait donc raison.
   M. Reboul est un homme d'une quarantaine d'années et
paraît doué d'une constitution robuste. Ses épaules sont lar-
ges, un peu voûtées, et il y a quelque lenteur dans sa démar-
che. La tête, dont les lignes sont nobles et distinguées, porte
les rides du travail, surtout au front, que vient couronner