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197 Des superbes palais à mon humble retraite, Eu échos glorieux descendaient, o poète ! Qui m'aurait dit alors Qu'un jour ce divin luth et cette voix si chère, De mon culte ignoré daignant bénir l'encens, Au milieu de ta haute et brillante carrière, Auraient aussi pour moi, pauvre enfant solitaire, De célestes accents ! Quoi ! mon sort inconnu, cette vie écoulée Dans l'ombre et le travail, loin du monde et du bruit, Ainsi qu'un filet d'eau caché dans la vallée, Dont l'onde, en murmurant, va se perdre, mêlée Au torrent qui s'enfuit ; Et ces douleurs sans nom, cet ennui qui dévore, De mon cœur affligé mal intime et puissant, Voilé par un sourire et que la foule ignore, Quand son regard joyeux, sur mon front jeune encore, Parfois tombe en passant ; Ta voix les a chantés, ta voix mélodieuse, De ton cœur généreux interprète divin, Qui, pour toute infortune, obscure ou glorieuse, Change en sons immortels, en plainte harmonieuse, Les soupirs de ton sein. Oui! souvent, il est vrai, dans l'air qui m'environne Passent brillants et beaux des rêves enchanteurs ; Puis la réalité m'étreint, et je frissonne, Et faible au désespoir mon ame s'abandonne, Et je verse des pleurs. Cependant ne crois pas que je reste vaincue ; Non ! les maux d'ici-bas redoublent ma fierté ; Bientôt, se relevant, ma pensée abattue Embrasse l'univers, et de son étendue Franchit l'immensité.