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   — Eh bien ?
   — Eh bien         Mais que l'importe l'opinion d'un barbare!
   — Oh! ne refuse pas de l'expliquer. Je suis excité, non par
 une curiosité stupide, mais par le désir d'acquérir quelques
lumières nouvelles. Un grand philosophe d'Europe a prétendu
que le meilleur moyen de faire avancer les connaissances hu-
maines serait de recommencer toutes nos études en procédant
d'après les simples notions du bon sens, et...
   — Oui, interrompit l'Arabe, ce grand philosophe se nom-
mait Bacon, c'est encore lui qui disait : On n'apprend à com-
mander à la nature qu'en lui obéissant.
   — Méhémet, ton érudition m'étonne; comment se fait-il?...
   — Ne t'ai-je pas dit qu'à plusieurs reprises j'avais parcouru
ta patrie? Français, si je le parais instruit, c'est que ta jeunesse
arrogante s'attendait à me trouver absurde.
   — Je me soumets sans murmurer à ce jugement sévère,
continua l'officier, et je ne renouvellerai point une prière qui
paraît t'importuner.
   — Mon fils, reprit le vieillard en tendant la main au jeune
homme, pardonne ce que mon langage offre de trop acerbe.
Hélas ! ma barbe blanchit sous le poids de soixante et dix
années ; tu ne sais pas, puisses-tu ne jamais savoir ce qu'un
bon cœur renferme de tristesse quand il a battu si long-
 temps !
    - Mon père, balbutia le militaire attendri, en s'inclinant
sur la main desséchée du vieillard, mon père, je le prête une
oreille attentive.
   — Je vais te satisfaire. Selon moi, vos savants connaissent
une quantité prodigieuse de petites choses, un nombre pres-
qu'infini de petits faits détachés, éparpillés, et, par cela même,
sans puissance. Je crois qu'à force de diviser, de créer des
distinctions, ils ont tout confondu ; et je trouve que leurs lu-
mières, au lieu d'éclairer l'intelligence, ne font qu'éblouir l'es-
prit. Il me semble qu'il doit y avoir un point de départ com-
mun à toutes les sciences humaines, et qu'ainsi, toutes ensem»