page suivante »
183 — Eh bien ? — Eh bien Mais que l'importe l'opinion d'un barbare! — Oh! ne refuse pas de l'expliquer. Je suis excité, non par une curiosité stupide, mais par le désir d'acquérir quelques lumières nouvelles. Un grand philosophe d'Europe a prétendu que le meilleur moyen de faire avancer les connaissances hu- maines serait de recommencer toutes nos études en procédant d'après les simples notions du bon sens, et... — Oui, interrompit l'Arabe, ce grand philosophe se nom- mait Bacon, c'est encore lui qui disait : On n'apprend à com- mander à la nature qu'en lui obéissant. — Méhémet, ton érudition m'étonne; comment se fait-il?... — Ne t'ai-je pas dit qu'à plusieurs reprises j'avais parcouru ta patrie? Français, si je le parais instruit, c'est que ta jeunesse arrogante s'attendait à me trouver absurde. — Je me soumets sans murmurer à ce jugement sévère, continua l'officier, et je ne renouvellerai point une prière qui paraît t'importuner. — Mon fils, reprit le vieillard en tendant la main au jeune homme, pardonne ce que mon langage offre de trop acerbe. Hélas ! ma barbe blanchit sous le poids de soixante et dix années ; tu ne sais pas, puisses-tu ne jamais savoir ce qu'un bon cœur renferme de tristesse quand il a battu si long- temps ! - Mon père, balbutia le militaire attendri, en s'inclinant sur la main desséchée du vieillard, mon père, je le prête une oreille attentive. — Je vais te satisfaire. Selon moi, vos savants connaissent une quantité prodigieuse de petites choses, un nombre pres- qu'infini de petits faits détachés, éparpillés, et, par cela même, sans puissance. Je crois qu'à force de diviser, de créer des distinctions, ils ont tout confondu ; et je trouve que leurs lu- mières, au lieu d'éclairer l'intelligence, ne font qu'éblouir l'es- prit. Il me semble qu'il doit y avoir un point de départ com- mun à toutes les sciences humaines, et qu'ainsi, toutes ensem»