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169 — Mais.... oui, ajouta l'officier interdit par ce présage d'une opposition sérieuse. —D'où le vient, demanda Méhémet, d'où te vient une pré- somption si grande ? ton expérience ne compte pas de bien longues années, j'imagine. —Excuse ma jeunesse, dit l'officier avec respect, mais il me semble que les hommes n'ont pas été créés pour mener perpétuellement une vie errante. Les trésors de leur intelli- gence, les perfections de leur ame ne se développent qu'au sein des sociétés nombreuses; car c'est là , seulement, que peuvent avoir lieu la fusion des esprits et l'échange des idées. L'arabe ne me paraît remplir sa destinée qu'imparfaitement. Une place plus brillante lui est assignée parmi les peuples. Déjà possesseur d'antécédents glorieux, pourquoi refuserait-il de rattacher un passé plein d'éclat à un avenir plus éclatant encore? —Paroles vaines que tout cela ! Qu'est-ce que l'homme peut désirer de mieux que ces deux choses : être juste, d'abord; être heureux, ensuite ? dis moi, ami, vous jouissez donc d'une félicité bien rare pour tenir si fortement à nous la faire par- tager ? — Notre bonheur est plus grand que le vôtre sans aucun doute. •—Tes propos annoncent l'orgueil et l'aveuglement, jeune homme ; tu crois ce que lu dis, mais ce que lu dis n'est pas, j'en suis certain. —Eh! comment, le saurais-tu ? les yeux n'ont pu voir les merveilles évoquées par le génie européen. Il reste beaucoup à faire, j'en conviens, mais les prodiges se multiplient chaque jour sur les pas d'une civilisation ascendante — Ne me parle donc pas de la civilisation, interrompit le patriarche avec une légère impatience, je l'ai vue de trop près pour ne pas savoir ce qu'elle vaut. — Quoi! s'écria le français étonné, Méhémet connaîtrait-il ma patrie i1