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37 l'intérêt, en ce qu'ils nous présentent, en Matthieu De La Font, le type du négociant lyonnais de son époque, actif et laborieux instrument de sa fortune, et qui après avoir achevé cette grande œuvre de sa vie, à force de prudence, d'application , d'intelli- gence, se complaît dans les honneurs de la bourgeoisie, limi- tant son ambition à la faveur d'un bon accueil au palais de l'archevêque , du gouverneur ou de l'intendant, à un siège parmi les juges de la Conservation ou les administrateurs de nos hôpitaux, aux dignités de ITIôteî-de-Yille, et finalement au titre de bienfaiteur des pauvres, au prix d'un legs après sa mort. Matthieu De La Font, né de parents pauvres, et resté de bonne heure orphelin , débuta par le rôle de petit cîerc dans l'étude du procureur Mélier. Un de ses oncles, négociant, l'enleva à cette carrière pour l'employer dans son commerce. Le jeune commis montra tant d'intelligence que, sa maison s'élant dis- soute, une autre lui demanda aussitôt ses services pour l'en- voyer en Espagne, à titre de son représentant. Il s'établit à Gandie, dans le royaume de Yalence; c'élait un duché, presque indépendant de la couronne d'Espagne, et appartenant à la maison deBorgia. De La Font sut tout à la fois bien gérer les affaires de ses commettants, et s'acquérir une grande faveur personnelle, par d'adroites flatteries , auprès de la duchesse douairière, Dona Maria Pons de Léon, qui gouvernait le duché pendant la minorité de François Pascal de Borgia, son fils. Grâces à cet a p p u i , il put entreprendre, pour son propre compte, un commerce fructueux qui ne fut pas interrompu par les guerres qui survinrent entre la France et l'Espagne. Il ob- tint m ê m e , au fort de cette guerre, des passe-ports pour voya- ger dans les Pays-Bas. Après une absence de quinze années, De La Font revint jouir de ses richesses dans sa ville natale. Mais, dès son arrivée, une fâcheuse affaire faillit le compromettre auprès de l'autorité. Il avait connu, en Espagne, ce pays singulier, où le mélier de bandit est, en quelque sorte, une profession sociale, un chef de bravis, nommé Sernem, qui, à force d'exploits, s'était fait