Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                 22
profitant d'une petite brise de terre, je levai l'ancre aux pre
mières clartés du soleil, lirai le canon, et m'éloignai des côles,
les perroquets et les catatois bordes.
   Nous eûmes toujours beau temps et bon vent. On signala
au loin quelques voiles ; c'étaient des navires marchands qui
ne tardaient pas à se perdre dans l'horizon, en cherchant les
vents alises, tandis que nous longions les terres le plus que
nous pouvions.
    Nous étions presque toujours en vue des côtes. C'était de
loin quelque chose de brumeux, et de confondu avec les nua-
ges de l'horizon; p u i s , eu a p p r o c h a n t , on voyait cette va-
peur se dessiner, se déchirer et prendre des formes. Un cap
présentait sa masse noire au dessus des Ilots ; ses crêtes et ses
roches se découpaient; les baies, les anses se creusaient dans
un fond de verdure. Quelquefois de vastes mornes variaient,
par leur aspect solitaire et nu, les richesses d'une végétation
vigoureuse. Quelques mouettes, des hirondelles de mer^ des
frégates aux ailes noires et blanches, des goélands rasaient
l'eau, montaient, descendaient, se croisaient et jouaient ainsi
 tantôt sur les vagues., tantôt sur les pointes des rochers. Quand
le soleil à son zénith éclairait cette vaste scène de mouvement
 et de tranquillité, nous nous étendions sur notre banc de quart,
 Olivier et moi, et nous trouvions un plaisir ineffable à nous
 faire part de nos sensations et de nos projets ; nous remon-
 tions même jusqu'au passé qui me paraissait moins amer
 adouci qu'il était p a r l e reflet de la joie présente. Chaque jour
 Olivier me laissait voir quelques qualités nouvelles ; par
 exemple, je lui reconnus un grand sang-froid, mêlé à une in-
 différence complète d e l à vie, ce qui ajoutait un naturel at-
 trayant à tout ce qu'il avait de beau et de distingué dans son
 caractère. Il était aimé et respecté de l'équipage. Le capitaine
 qui ne paraissait sur le pont que pour humer la brise et fumer
  son cigarre le craignait à cause de moi. Certes, si je dois r e -
  mercier Dieu de quelques instants de b o n h e u r , c'est bien de
  ces quarante jours de navigation !... Avoir près de soi un ami