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— 239 — communiquer à tous ceux qui ont la bonté de s'intéresser à son sort » et dont il requiert l'approbation 1. L'incident du Conseil supérieur, le plus grave de tous ceux qui marquent le conflit de Poivre et de Dumas, est aussi le dernier qui eut de l'importance. Dans les mois qui suivirent, la correspondance du com- mandant et son journal ne nous fournissent plus que des détails sur les rapports avec l'Inde et Madagascar auxquels l'intendant n'est pas direc- tement mêlé. Dumas attendait la réponse à la dépêche du 8 novembre 1767 dans laquelle il sollicitait le rappel de son adversaire. Elle ne fut point telle qu'il l'espérait. Le 13 novembre 1768, à l'ar- rivée d'un navire particulier, le bruit se répandit que le commandant était relevé de son emploi, et l'on donnait même les noms des candidats pos- sibles à sa succession, parmi lesquels le chevalier des Roches, capitaine de vaisseau de la marine royale, qui fut en effet désigné. Cette nouvelle fit éclater la joie de ses adversaires à ce point que Poivre dut refréner leurs propos « indécents » tout en donnant à entendre qu'il avait lui-même reçu du duc de Praslin « une lettre très satisfaisante »2. Le 27 novembre, Du- mas était touché par l'ordre officiel de remettre à titre provisoire son com- mandement à M. Stenaver. « C'est le rappel imprévu », note-t-il dans son journal, sans autre commentaire3. Il resta encore un mois à l'Ile de France pour la passation du service et le règlement de ses affaires et s'embarqua le 31 décembre 1768. La cause de sa disgrâce, compensée par le grade de brigadier général, paraît être dans la dépêche du 8 novembre 1767 où il exposait longuement les motifs de sa mésintelligence avec Poivre. En ce temps de lente navi- gation les bâtiments mettaient parfois six mois pour accomplir le trajet du Port-Louis à Lorient, et l'ordre de rappel daté du 3 juillet était expédié 1. Copie de toutes les lettres écrites par M. Dumas, 2 mars 1768, à M m e la comtesse de Saint-Jean. Dumas écrivit également au marquis de Levis, au comte d'Argental et à M. de Villevant, maître des requêtes au Conseil du Roi. L'acte de vigueur accompli par Dumas n'est pas isolé dans notre histoire colo- niale. Le 7 août 1769, M. de Rohan, gouverneur de Saint-Domingue, fit cerner par ses grenadiers la salle où siégeait le Conseil supérieur de Port-au-Prince et y pénétra, avec quelques hommes en criant : « Ah ! mes bougres, je vous apprendrai à être rebelles aux ordres du Roi ! Allons, vite, point de ménagements pour ces bougres là . » Les magistrats appréhendés furent immédiatement embarqués pour la France (P. de Vaissière, Saint-Domingue, 148, note). 3. Journal de M. Dumas, 16 novembre 1768. 3. Journal de M. Dumas, 16 novembre 1768.