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uns ni les autres que des filles pour leur succéder, et se croyant d'ailleurs
un autre genre de fortune suffisante, ils craignirent les embarras où leurs
filles se trouveraient à leur mort, chargées d'un Commerce, à Genève et à
Lyon, dont la gestion serait difficile et la liquidation impossible ; et, pour
les prévenir, ils se déterminèrent, en 1779, à vendre entièrement tous leurs
fonds de librairie, et déjà en 1777 ils avaient vendu leur imprimerie de
Genève, et ils abandonnèrent ainsi un état que leur famille avait exercé
pendant 250 ans.
      Cette détermination fut heureuse si l'on considère que MM. Piestre et
Cormon, leurs anciens Commis, à qui ils vendirent leurs fonds, ont rempli
exactement leurs engagements, et que s'ils ne les avaient pas vendus alors
ils se seraient nécessairement trouvés enveloppés dans la Révolution de
France et dans les malheurs que Lyon éprouva en 1793, et que la librairie,
et surtout le genre de la leur, est entièrement tombée depuis lors.


      Disons encore un mot de Jean de Tournes qui fait le sujet de cet arti-
cle. Nous avons vu les éloges que divers auteurs lui ont donné comme sa-
vant et Comme imprimeur ; mais il faut ajouter qu'il développa un grand
Caractère dans les différentes situations où il se trouva ; qu'en vivant dans
des temps orageux, où il courut, à diverses fois, les plus grands dangers, il
eût toujours le bonheur d'y échapper par l'amitié des gens en place, qu'il
avait su se concilier ; qu'obligé, enfin, de quitter son pays, sa maison, sa
fortune, par attachement pour sa religion, son Courage ne l'abandonna
jamais ; qu'enfin, si Jean I fut l'auteur de la réputation typographique de la
famille de Tournes, elle a des obligations bien plus essentielles au second,
puisqu'elle lui a du, non seulement son établissement à Genève et l'acquisi-
tion d'une nouvelle patrie, qui a été longtemps l'objet de la jalousie des
autres nations par le bonheur dont on y jouissait, mais encore elle lui a du la
Considération dont elle y a joui et dont il jeta les fondements par sa bonne
Conduite, Considération qu'elle n'a tiré ni de ses richesses ni de ses digni-
tés ; et si, vers la fin de ce siècle, elle a pu croire un moment que la fortune
et les emplois allaient lui donner un nouveau lustre, une fâcheuse expé-
rience l'en a promptement détrompée, et elle a éprouvé qu'elle n'avait