Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                     — 66 —
tempère la fougue combative de Michelet, lui conseille de ne pas s'aliéner le
clergé séculier qui n'est pas forcement l'allié des Jésuites, qui souvent même
 est leur concurrent, Michelet discute, mais il sait aussi profiter, s'instruire.
Il écoute, note et retient. Déjà frémit en lui l'impatient auteur du Prêtre.
       Mais Lyon nous révèle aussi l'auteur du Peuple. En face du problème
religieux se pose le problème social. Dans ce voyage de 1843, Michelet
prend conscience de la dualité profonde de la grande cité : des hauteurs ae
Fourvières, il voit la Croix-Rousse. Elle l'attire, cette colline laborieuse et
il y retourne comme en 1830, comme en 1839! « Alors, dira-t-il dans la
préface du Peuple, j'ai fermé les livres et je me suis replacé dans le peuple
autant qu'il m'était possible ; l'écrivain solitaire s'est replongé dans la foule,
il en a écouté les bruits, noté les voix... J'allai donc consultant les hommes,
les entendant eux-mêmes-sur leur propre sort, etc. » 1 . Mais il rencontre
dans ces ruelles, entre ces maisons noires, plus de tristesse et d'amertume
que jadis. Arlès-Dufour n'est pas là : il lui manque le réconfort de cette
philanthropie active. Le sentiment d'une double impuissance l'envahit :
pour lutter contre le péril clérical, pour conjurer le péril ouvrier, il cherche
en vain des combattants : il erre, « avec des gens refroidis ou négatifs », entre
les Deux Collines. « Nous avons trouvé Lyon à cent degrés au-dessous
de glace»2.
      Je ne puis songer à reproduire intégralement son journal de 1843. Il est
haché, incohérent, plein d'abréviations et d'incorrections, souvent incom-
préhensible. Ce sont des notes jetées sur le papier, sans syntaxe, sans liai-
son, destinées simplement à aider plus tard la mémoire du voyageur. En
voici quelques fragments caractéristiques :


                      Extraits du Journal du voyage de 1843.

    Partis mardi 8 août. La nuit, Mâcon, la Saône, par une nuit lamarti-
nienne... Lyon ...[g août].
    Aux Cordeliers, partout Maria; à Fourvières, les Maristes. « Dieu
   1. Le Peuple, Œuvres complètes, tome XXXI, p. 3.
   2. Lettre à M. Michelet père, 10 août 1843.