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la Compagnie, sans oser m'avouer à moi-même ce soupçon. Il est temps
 de le consigner dans mon journal pour acquérir la liberté de réfléchir à
cette idée qui ne peut être justifiée que par une marche oblique de M. Poi-
vre, tandis que la ligne directe est la seule que nous ayons à suivre dans
ce que nous avons à faire pdur le bien du service du Roi »1.
      L'idée conçue par Dumas se précise et s'éclaire à la suite de divers
incidents, notamment quand il s'agit de prendre possession des services
et bâtiments de la Compagnie. L'attitude de l'intendant lui démontre
« le dessein formé et concerté de laisser les choses comme elles étaient »
avant le changement de régime. « Il y a à Paris un ordre de personnes qui
ont vu passer avec regret l'administration de ces colonies dans la main du
Roi et qui n'ont rien épargné pour en faire changer la résolution. Les mo-
tifs qui leur ont fait désirer de les conserver subsistent et leur font désirer
de les reprendre... Je n'ai pas pu ignorer à Lorient que M. Poivre était
parti de Paris ayant toute la confiance de l'administration de la Compagnie
des Indes, puisqu'il me l'a dit lui-même ; tout ce que je vois le confirme...
M. Poivre est associé et chargé de concourir à l'exécution d'un projet qui
 a pour but de faire rentrer ces colonies sous l'administration de la Com-
pagnie des Indes », et « si par des événements bien ménagés, la Compagnie
réprenait l'administration de ces colonies, au lieu d'être borné ici à des
appointements médiocres, il y succéderait bien certainement à plusieurs
personnages qui y ont fait des fortunes énormes ». C'est pour cette raison
que l'intendant se montre « un homme exclusif ». « S'il parvenait à mettre
toutes les parties de l'administration dans sa seule main », il pourrait les
diriger à son gré pour les tourner selon ses vues ; alors celles du gouver-
nement auraient le succès qu'il voudrait leur donner selon ce qui lui con-
viendrait le mieux personnellement, et de là pourrait résulter le dégoût
et l'abandon, objet éternel des administrateurs de la Compagnie des Indes,
et dont l'espoir est peut-être fondé sur l'exemple de Cayenne, rendue à
son premier état après d'excessives dépenses »2.
    L'accusation est claire, formulée dans un rapport officiel, le premier
que Dumas expédie au duc de Praslin. Poivre est l'homme-lige de la Com-
   i. Journal de M. Dumas, 6 août 1767.
   2. Dépêches de M. Dumas, 8 novembre 1767.