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la fortune de trois familles est fondée sur cette manufacture, il serait
affreux de les ruiner. Beaucoup de créanciers ont sur ces établissements
des hypothèques considérables ; toutes ces choses méritent de grandes
considérations. D'ailleurs la plantation d'un arbre appelé agathier, dont
la végétation est très prompte et qui fait du charbon excellent, peut, dans
quelques années, rendre inutiles les réserves de bois attribuées à cet éta-
blissement pourvu que M. Hermans, qui a commencé une telle plantation
l'augmente, et c'est à quoi le gouvernement doit l'assujettir et veiller.
     «... Au surplus, le fer fabriqué sur les lieux n'étant pas meilleur marché
que celui qui vient pour le compte de la Compagnie qui bénéficie dessus,
se trouvera beaucoup plus cher que celui que le Roi pourrait envoyer en
lest sur ses vaisseaux comme sur ceux de la Compagnie. Cet approvision-
nement peut être porté à tel point pendant la paix qu'il ne manque jamais
pendant la guerre, car il ne périclite pas dans les magasins. Cela m'a fait
regarder autrefois en Canada l'établissement des forges comme une chose
très inutile, et la régie en était onéreuse au Roi » \

     A quatre mille lieues de la métropole, dans une colonie à demi-rui-
née, en proie à une crise économique aiguë, et dont certains habitants
avaient vu d'un mauvais œil le changement de régime, il était tout indiqué
que le duel de l'intendant et du commandant ne se limiterait point à
leurs personnes respectives. Autour d'eux s'ameutèrent magistrats et
propriétaires, agents de la Compagnie des Indes et militaires, ces derniers
étant à peu près les seuls partisans de Dumas.
     Et aussitôt les hostilités commencent, d'abord latentes, voilées en
quelque sorte jusqu'au moment où le commandant fait un éclat en exilant
à Rodrigue un conseiller qui, se découvrant l'âme des parlementaires de
France, résista au représentant du Roi comme ceux-ci résistaient au Roi
lui-même.
     Dès le 26 juillet, Poivre convoque l'assemblée des syndics, députés et
notables des quartiers de l'île pour délibérer sur la fixation du prix des
grains. Dumas n'en est pas informé et il a connaissance de la réunion au

   1. Dépêches de M. Dumas. 23 décembre 1767.