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— 229 — la fortune de trois familles est fondée sur cette manufacture, il serait affreux de les ruiner. Beaucoup de créanciers ont sur ces établissements des hypothèques considérables ; toutes ces choses méritent de grandes considérations. D'ailleurs la plantation d'un arbre appelé agathier, dont la végétation est très prompte et qui fait du charbon excellent, peut, dans quelques années, rendre inutiles les réserves de bois attribuées à cet éta- blissement pourvu que M. Hermans, qui a commencé une telle plantation l'augmente, et c'est à quoi le gouvernement doit l'assujettir et veiller. «... Au surplus, le fer fabriqué sur les lieux n'étant pas meilleur marché que celui qui vient pour le compte de la Compagnie qui bénéficie dessus, se trouvera beaucoup plus cher que celui que le Roi pourrait envoyer en lest sur ses vaisseaux comme sur ceux de la Compagnie. Cet approvision- nement peut être porté à tel point pendant la paix qu'il ne manque jamais pendant la guerre, car il ne périclite pas dans les magasins. Cela m'a fait regarder autrefois en Canada l'établissement des forges comme une chose très inutile, et la régie en était onéreuse au Roi » \ A quatre mille lieues de la métropole, dans une colonie à demi-rui- née, en proie à une crise économique aiguë, et dont certains habitants avaient vu d'un mauvais œil le changement de régime, il était tout indiqué que le duel de l'intendant et du commandant ne se limiterait point à leurs personnes respectives. Autour d'eux s'ameutèrent magistrats et propriétaires, agents de la Compagnie des Indes et militaires, ces derniers étant à peu près les seuls partisans de Dumas. Et aussitôt les hostilités commencent, d'abord latentes, voilées en quelque sorte jusqu'au moment où le commandant fait un éclat en exilant à Rodrigue un conseiller qui, se découvrant l'âme des parlementaires de France, résista au représentant du Roi comme ceux-ci résistaient au Roi lui-même. Dès le 26 juillet, Poivre convoque l'assemblée des syndics, députés et notables des quartiers de l'île pour délibérer sur la fixation du prix des grains. Dumas n'en est pas informé et il a connaissance de la réunion au 1. Dépêches de M. Dumas. 23 décembre 1767.