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moment de partir en tournée d'inspection, lorsqu'il voit groupés sur le
Port un certain nombre d'habitants qui attendent l'ouverture de la séance.
Il s'étonne, réclame des explications à l'intendant, puis fait entrer tout le
monde chez lui. D'office, il prend la présidence et prononce une allocu-
tion fort élogieuse pour son collaborateur : « M. Poivre n'est pas un homme
nouveau dans ce climat. Il y était déjà connu par des services qui lui ont
mérité la confiance du Roi et celle de ses ministres ; ce qu'il a déjà fait
annonce assez ce qu'il est capable de faire pour l'accroissement de la for-
tune publique. Ses talents et ses vertus permettent aux deux îles leur plus
haut degré de prospérité, et aux sujets du Roi qui les habitent la tran-
quillité et le bonheur ; il vous expliquera mieux que je ne pourrais le faire
les principes de la législation et de l'administration nouvelle »*.
      A son tour, Poivre fait un « très beau discours » où il formule ses doc-
trines en matière coloniale, « mais en employant toujours la première per-
sonne du singulier ». Dumas qui n'est pas d'humeur à se laisser annihiler
attend la fin de la délibération pour dicter à son secrétaire un long mé-
moire de protestation.
      L'intendant aurait dû le consulter au préalable, car il s'agissait d'une
question de « grande administration », qu'il est « indécent » de traiter « ex-
clusivement ». Il faut que les colons sachent que « l'autorité est partagée »
entre les deux représentants du souverain, munis d'instructions com-
munes. La harangue de M. Poivre était parfaite, susceptible de produire
« un très bon effet », mais il est contraire à la forme de l'administration »
d'en commencer « toutes les périodes à la première personne du singulier ».
Le commandant qui se pique d'être fort supérieur aux froissements
d'amour-propre ne considère en cette affaire que « le bien de la chose
publique ».
      L'histoire se termine par une petite scène de comédie. « A quatre
heures après-midi, comme j'allais lui porter le mémoire chez lui, [M. Poi-
vre] est entré chez moi, pour la première fois depuis son arrivée. Je signais
le mémoire lorsqu'il est entré, et je"l'ai prié d'en prendre connaissance.
M. l'Intendant après l'avoir lu, m'a répondu avec l'air de candeur qui lui

   i. Journal de M, Dumas, 36 juillet 1767.