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      La situation des Mascareignes, au moment où la Compagnie des
Indes en abandonna le gouvernement au Roi, était bien loin de la pros-
périté qu'elles avaient connues sous Mahé de la Bourdonnais.
      A plusieurs reprises, dans son journal ou ses dépêches, Dumas en
trace un sombre tableau. « Tout ce que je vois dans cette colonie ne
 m'étonne point. Je m'attendais à sa disette, à l'insuffisance des envois
faits par la Compagnie des Indes, aux plaintes de tous les habitants contre
les vices de l'ancienne administration. Mais je ne m'attendais à [les] trou-
ver... couverts de dettes... possesseurs de terres et débiteurs du tiers de
leur valeur. Tout cela fait un chaos qu'il est impossible de débrouiller.
Plus j'y pense, plus je m'en effraye;... si ce mal ne trouve point de remède
je n'aperçois pas les moyens de faire fleurir cette colonie »1.
      « J'ai l'honneur, écrit-il au Contrôleur général Bertin, le 16 novem-
bre 1767, de vous rendre compte de l'état où nous avons trouvé les choses
dans cette colonie lorsque nous en avons pris possession au nom du Roi.
   « Il paraît qu'on n'a songé à leur établissement et à leur maintien que
tandis que La Bourdonnais commandait ici. Il n'y a en bâtiments civils
que ceux qu'il a fait bâtir, qui tombent de vétusté ou de malfaçon, de ma-
nière qu'il faut autant de main-d'œuvre et d'emploi de temps pour leur
entretien qu'il en faudrait pour les réédifier.
      « Ces bâtiments, Monseigneur, capables de pourvoir aux besoins
du service, à la naissance de la colonie, sont aujourd'hui très insuffisants
malgré la médiocrité des productions de ces colonies en matières de sub-
sistances. Un de nos premiers soins a été de louer des greniers pour les
contenir.
   « Le port est comble de vase et de carcasses de vaisseaux. Il semble
qu'on les a coulés exprès. La nature avait fait ce port ; il faut que l'art le
refasse encore. On soupire en considérant cet abandon.
      « La côte est bordée de pièces d'artillerie sans affûts et sans plate-
 formes. De mauvaises batteries présentent des embrasures mal évasées
 d'où l'on peut tirer des boulets perdus sur les vaisseaux qui passent à la
voile. Voilà en quoi consistent les fortifications, mais rien ne protège le

   1. Journal de M. Dumas, 30 juillet 1767.