page suivante »
— 224 — La situation des Mascareignes, au moment où la Compagnie des Indes en abandonna le gouvernement au Roi, était bien loin de la pros- périté qu'elles avaient connues sous Mahé de la Bourdonnais. A plusieurs reprises, dans son journal ou ses dépêches, Dumas en trace un sombre tableau. « Tout ce que je vois dans cette colonie ne m'étonne point. Je m'attendais à sa disette, à l'insuffisance des envois faits par la Compagnie des Indes, aux plaintes de tous les habitants contre les vices de l'ancienne administration. Mais je ne m'attendais à [les] trou- ver... couverts de dettes... possesseurs de terres et débiteurs du tiers de leur valeur. Tout cela fait un chaos qu'il est impossible de débrouiller. Plus j'y pense, plus je m'en effraye;... si ce mal ne trouve point de remède je n'aperçois pas les moyens de faire fleurir cette colonie »1. « J'ai l'honneur, écrit-il au Contrôleur général Bertin, le 16 novem- bre 1767, de vous rendre compte de l'état où nous avons trouvé les choses dans cette colonie lorsque nous en avons pris possession au nom du Roi. « Il paraît qu'on n'a songé à leur établissement et à leur maintien que tandis que La Bourdonnais commandait ici. Il n'y a en bâtiments civils que ceux qu'il a fait bâtir, qui tombent de vétusté ou de malfaçon, de ma- nière qu'il faut autant de main-d'œuvre et d'emploi de temps pour leur entretien qu'il en faudrait pour les réédifier. « Ces bâtiments, Monseigneur, capables de pourvoir aux besoins du service, à la naissance de la colonie, sont aujourd'hui très insuffisants malgré la médiocrité des productions de ces colonies en matières de sub- sistances. Un de nos premiers soins a été de louer des greniers pour les contenir. « Le port est comble de vase et de carcasses de vaisseaux. Il semble qu'on les a coulés exprès. La nature avait fait ce port ; il faut que l'art le refasse encore. On soupire en considérant cet abandon. « La côte est bordée de pièces d'artillerie sans affûts et sans plate- formes. De mauvaises batteries présentent des embrasures mal évasées d'où l'on peut tirer des boulets perdus sur les vaisseaux qui passent à la voile. Voilà en quoi consistent les fortifications, mais rien ne protège le 1. Journal de M. Dumas, 30 juillet 1767.