Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                   — 201 —

s'ensevelit en ce monde ; il s'en fait l'âme, s'en éprend, vit en lui, devient
lui. Alors, il le voit, comme animé par son regard, se mouvoir, s'expliquer
peu à peu suivant sa nature et révéler toutes ses richesses. L'œuvre appa-
raît.


                                       II

     Comment en fixer la valeur ?
     De ce qui précède il résulte clairement que cette valeur est indiquée
par le fait que l'œuvre a ou n'a pas une individualité, c'est-à-dire a ou n'a
pas le signe de vie. Le rôle du critique consistera essentiellement à cher-
cher ce signe de vie. Nous voyons ainsi comment De Sanctis passe de la
poésie à la critique et pourquoi il les juge inséparables.
     Pour lui, la critique est, en face de l'art, ce que la philosophie est en
face de la nature. Au cours des siècles, il y a eu autant de formes de criti-
ques que de philosophies. La critique, elle aussi, possède son histoire na-
t urelle, son anatomie, sa physiologie, sa physique, sa métaphysique. « De
même, dit-il, que la pensée s'est élevée peu à peu dans l'interprétation
de la nature, la critique, des formes les plus palpables de l'art s'est élevée
à la forme, à l'immédiate unité organique du contenu, où est le secret de
la vie. Là, le critique ne fait qu'un avec l'artiste. Il peut refaire l'œuvre, lui
 donner une seconde vie et dire orgueilleusement comme Fichte : « Je crée
Dieu ».
      Tout De Sanctis est dans ces quelques lignes. Elles nous permettent
de comprendre facilement pourquoi il répudie, comme périmées et insuf-
fisantes, toutes les autres formes de critique : critique de commentaire,
critique fondée sur le fait et l'impression, critique formelle, critique rhé-
torique, critique par parallèles, critique de reconstruction, critique psy-
chologique, critique historique, critique esthétique. Dans l'ensemble,
ces critiques (et en particulier les trois méthodes le plus en honneur : la
méthode formelle, la méthode psychologique, la méthode historique),
ne sont, aux yeux de De Sanctis, qu'une critique préparatoire. Elles peu-
vent offrir des matériaux à la critique, mais elles ne sont pas la critique-