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une pomme d'api, ses cheveux blancs et argentés recouverts d'un petit
bonnet de Valenciennes... Elle était très cérémonieuse, d'une politesse
raffinée ; avec cela fort affable et obligeante ». Pour les auteurs peu fortunés,
ses presses gémissaient au plus juste prix.
      Pour rien au monde elle n'eût manqué de rendre à son futur biographe
la visite de Jour de l'An qu'il lui faisait. « Elle arrivait en grande toilette :
robe de soie noir marron, mantelet de taffetas noir garni d'une riche pas-
sementerie, chapeau à fleurs avec de longues mentonnières, un mou-
choir brodé à la main et des gants paille, les dernière de cette nuance que
j'aie vu».
      Elle avait gardé les manièies du vieux temps et faisait encore de solen-
nelles révérences. « On n'a que l'âge qu'on paraît », disait-elle souvent. Se
croyant toujours jeune, elle avait attendu d'avoir atteint la cinquantaine
pour se permettre de sortir seule le soir. Très réservée en paroles, elle
s'effarouchait d'un mot simplement vulgaire ; dans le volume d'Emmanuel
Vingtrinier, la Vie Lyonnaise, le titre du cinquième chapitre, « le Ventre de
Lyon », l'avait violemment scandalisée.
      Elle adorait les visites et son grand plaisir était d'improviser des déjeu-
ners champêtres pour les hôtes qui l'allaient voir, l'été, à Limonest. Après
leur avoir servi une omelette, des légumes et des fruits de son jardin, elle
les promenait dans le joli vallon qui descend vers Saint-Didier. Le soir, les
Lyonnais rentraient par la patache de Chasselay qui les débarquait à six
heures sur le quai de Bondy.
      Ces hôtes étaient souvent : Aimé Vingtrinier et sa femme ; l'ex-biblio-
phile Berger et, devenu bibliothécaire adjoint du Palais Saint-Pierre ; Morel
de Voleine, le spirituel Pétrus Violette de l'Académie du Gourguillon ; le
graveur Charles Tournier ; le « père Pupier », le légendaire antiquaire de
Saint-Just ; l'abbé Peyrieux, vieux chapelain de Fourvière ; quelquefois
 M. Dissard, conservateur de nos Musées archéologiques, et, souvent, Félix
 Desvernay, « pour qui Mlle Giraud avait un faible », dit Léon Galle.
      Comme on lui pardonne, n'est-ce pas, d'avoir oublié son âge et gardé
le goût des couleurs voyantes, à cette bonne Lyonnaise qui resta si fière du
 métier d'art auquel elle devait sa fortune. Elle voulut tenter de le remettre
en honneur, ce métier déjà bien près de disparaître, en aidant ceux à qui, jadis,