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AUBERGES Nuits d'auberges accueillantes et fraîches comme la petite source au creux poli du rocher. Nuits d'auberges suspendues au sommet de l'été, parmi les pâturages escarpés et les sapins aux senteurs de jouets d'enfants. O nuits d'auberges avec votre quiétude et votre placidité joyeuse, après l'ascension périlleuse de nos jours un peu fous, le bain de soleil et la sueur de nos vingt ans! — que j'aime votre surprise, au détour du « clapier », quand tombe le soir et qu'exténué de soif on aperçoit votre toit qui fume, votre toit flanqué de grosses pierres pour ennuyer la tempête et défendre aux tuiles de s'envoler !.. J'arrive où nul ne m'attend. Ce bourg inconnu des auto-cars, par conséquent à l'abri des alpinistes, s'étonne de ma venue. Les chiens jappent, chaque porte s'ouvre, on s'assemble pour considérer sans haine, mais sans aucune sympathie, le nouvel Isaac Laquedem. Je ne suis ni colporteur, ni charlatan, ni contrebandier, ni saltimbanque. Rien donc d'intéressant. Et pourtant on ne me perd pas de vue. Je ne fuis pas cette curiosité. Je me laisse contempler aussi aisément qu'un acteur se prête au cinéma ou qu'un président de la République à l'objectif de l'Illustration. Je me trompe d'ailleurs de tout au tout sur la raison de cette popularité, car du moment que je suis entré dans l'auberge l'intérêt tombe et chacun se disperse. C'est qu'il y a deux auberges et la question était de savoir laquelle je choisirais. Tout va bien, j'ai opté, au hasard, pour la meilleure, justement. Le village est satisfait. Ce village, je le veux conquérir. Il faut qu'il devienne mon ami, que je le prenne pour ainsi dire sous le bras, qu'il me fasse les honneurs de son domaine. Quand je le quitterai, nous serons de vieux camarades.