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                  PROJET DE LA CRÉATION                 327

nales provinciales ; mais leurs Å“uvres ne forment souvent
qu'une seule page de ces antiales. Ils ne traitent presque
toujours qu'un sujet isolé ; leurs travaux ne concernent
qu'un monument antique ou féodal, une communauté re-
ligieuse, un château, un sceau, une médaille, un jeton ;
mais ces notices qui seront un jour, il est vrai, de pré-
cieux matériaux pour une histoire générale, ne sont pas
lues par les masses ; — Celles-ci demeurent dans une
regrettable ignorance du passé, que des ambitieux inté-
ressés ne leur représentent que comme une époque de té-
nèbres et d'oppression, et cette ignorance est pour beau-
coup dans les revers sous le poids desquels gémit notre
malheureux pays. Demandez, en effet, à un élève qui sort
des bancs de nos écoles rurales, ce que c'est qu'un Gau-
lois, un Romain, un Franc, ce que furent la féodalité, la
ligue, le siècle de Louis XIV ; demandez-lui seulement
qui a bâti le château dont les ruines dominent encore
son village, — qui a fondé l'église où sa mère lui a
appris à dire ses premières prières qu'il ne sait déjà plus,
— cet homme avant l'âge ne saura que répondre.
   Il est donc urgent que dans chaque province le gou-
vernement prenne, sans plus de retard, l'initiative d'une
mesure qui aurait pour but de faire écrire par des hom-
mes spéciaux et de bonne volonté une histoire sommaire
par canton, à la portée de l'intelligence de l'enfant, con-
tenant à la fois un abrégé des faits généraux, de ceux
qui intéressent chaque village, et un cours de géographie
locale. — Car l'enfant ne sait pas non plus souvent d'où
sort la rivière qui coule dans son pays, ni dans quel
fleuve elle va porter ses eaux, ni même le nom de la
chaîne de montagnes sur laquelle est assise l'humble
maison de son père. En quittant son école, il n'est pres-
que toujours qu'un ignorant ; et même l'élève de nos