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                     CHRONIQUE LOCALE
   Est-ce une embellie Y est-ce une éclaireie ? le ciel va-t-il so rasséréner ï
le fait est que les visages sont moins sombres, les toilettes plus nombreuses
et que de tous côtes, bon augure, on entend nos oiseaux chanteurs.
   Quand la cigale eut chanté tout l'été, elle se trouva fort dépourvue lors-
que la bise fut venue. Dès ces premiers froids, M. Aimé Gros, plus heu-
reux, a été nommé officier d'Académie, et, chance grande, aucune fourmi
avare et dure n'a protesté ; ce qui montre un grand progrès en faveur de
notre temps. Pauvre cigale, dédaignée et calomniée ! pauvre Milton ! pau-
vre Homère ! ce n'est pas à-présent que votre génie eût été rebuté. Si ces
grands infortunés eussent vécu de nos jours, bien sûr qu'on les eût décoré
des palmes académiques.
   Le fait est que Lyon, en ce moment, nous rappelle vaguement la petite
ville de Mirccourt. Dans cette heureuse cité, où tout le monde est facteur
d'instruments, on n'entend du matin au soir que violons, harpes, guitares,
hautbois ou flageolets. Ici, c'est de même. Concerts à Bellecour, concerts
aux Terreaux, concerts à l'Alcazar, concerts au Casino ; on dirait qu'on
veut se dédommager de trois ans de silence. Ce sont des Lyonnais, ce sont
des étrangers : Concert Ten Hâve, concert Lapret, concert Pontet, Whitte,
Luigini, Delaborde, Aimé Gros, Rittcr, et ici inelinons-nous, concert Mi-
lanollo, dont le. succès a été si grand et qui a versé des flots d'or entre les
mains des Petits garçons et des Apprentis élevés par la Société de Saint-
Vincent-de-Paul.
   Et grand bal à la préfecture, bal officiel qui avait réuni l'élite de la po-
pulation lyonnaise.
   Notre Exposition, qui s'est ouverte le 9 janvier, continue à charmer ks
visiteurs. D'ailleurs, elle est à la hauteur des principes et des sentiments
de la foule. Pas de tableaux religieux, pas ou presque pas de tableaux
d'histoire ; ces grandes machines sont très-fatigantes à voir et, comme le
public ne les achète pas, les peintres ne se donnent pas la peine de noircir
de trop grands panneaux. Je vous demande un péri ce qu'on ferait aujour-
d'hui d'un saint Paul sur le chemin de Damas ou d'une Bataille d'Alexan-
dre ? mais les jolies petites têtes qu'on sème partout ! les gracieuses petites
ligures ! comme c'est calme, tranquille et reposé ! comme les étoffes de
soie sont chatoyantes ! comme les armures sont luisantes ! comme les com-
battants, même ceux qui viennent de tuer un dragon, sont léchés, peignés
et bichonnés ! cela donne grande envie d'être peintre. C'est un état pas
pénible du tout.
   Pourtant un tableau fait exception : Le Cavalier de Beischoffen, de
Sicard, détonne dans es doux concert. Le cheval se cabre avec emporte-
ment, le cavalier le retient sans avoir conscience de la scène. Il y a là une
pensée, une action, une puissance, une volonté. Ce n'est pas vulgaire, ce
n'est pas commun, ce n'est pas à la portée de tout le monde. Aussi les
critiques sont elles nombreuses : le. cheval est (rop gros, le ciel est terne,
les reflets de lumière sont l'aux ; bref, à notre avis, c'est la meilleure toile
du salon, et, pour la rareté'du fait, nous voudrions la voir achetée par la
ville.
   Ah ! bien autrement peint est le gracieux saint Georges, dont les ban-
derolles flottent au vent sans que la moindre brise souffle nulle part. Comme
il est tranquillement vainqueur ! quelle modestie dans son triomphe ! il a
tout l'air de ne pas connaître le monstre affreux auquel il vient d'arracher
la vie. Nui doute que bien des gens ne trouvent superbe ce tableau.
   A un cran de moins dans la prétention, MM. Compte-Calix avec Simple
Histoire, Jacquand avec les Retires, Landelle avec Florentine, Luminais
avec ses Chevaux, Mitiffiot de Belair avec Mignon, Ravel avec le Prison-