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                       CHRONIQUE LOCALE.


   Qui donc a dit que le peuple lyonnais était grave, sérieux, austère ? qui
donc a proclamé la rigidité de ses mœurs? n'est-ce pas M. Félix Montant
qui, dans l'Illustration, en fait une sorte de Hollandais primitif et peu civi-
lisé, se levant tôt pour être plus vite à ses affaires, et à son commerce
qu'il surveille avec économie et probité, et se couchant de bonne heure,
insoucieux do tout plaisir qui l'éloignerait de sa famille ou de son foyer?
Nous avons changé cela, parait-il, mis le cœur à droite et pris une hu-
meur folichonne et drolatique à rendre jaloux l'Arlequin de Venise. Le
Lyonnais a jeté son bonnet par-dessus les moulins ; il court, les cheveux
aux vents, riant sur le trottoir, faisant la pirouette avec grâce et tapant
joyeusement sur le ventre de ses amis.
   A la Bourse, il ne fait pas seulement des affaires, il fait aussi de l'esprit.
Après avoir acheté du Brest et vendu des Autrichiens, un gros négociant
raconte qu'à Fourvières on voit les ânes en bas de soi ; e! son interlocu-
teur lui répond que la taillcuse de sa femme a mal aune.
   Aujourd'hui le Lyonnais n'aime que les journaux qui le font rire. Une
feuille ne l'intéresse qu'autant qu'elle a les allures du Charivari. Le Figaro
est un peu sérieux, mais le Journal amusant a bien du charme et M. Pierre
Véron est un bien grand écrivain.
   Autrefois on cul suivi avec inquiétude la marche politique de la France.
Aurons-nous la guerre, et avec qui? que deviennent, à l'extérieur, l'Italie,
la Pologne, la Russie, l'Amérique, le Japon et la Chine ? où en est Suez ?
à l'intérieur, nous avons l'ouverture de la Chambre avec toutes les questions
qui se rattachent au commerce, à la presse, aux études ; autrefois on aurait
attendu avec angoisses le Discours de l'Empereur. Que dit le Souverain?
que pensent les journaux? où allons-nous ? faut-il espérer ou craindre?
mais les feuilles de Paris connaissent bien les préoccupations des Lyon-
nais et la Correspondance parisienne nous sert un plat digne de nous :
   « On s'est précipité sur le discours de l'Empereur, dit-elle, mais les af-
fiches étaient posées trop bas ; on les lisait entre les jambes les uns des au-
tres et les chevaliers du pot de colle ont occasionné, ce jour-là, une quantité
innombrable de torticolis et de tours de reins. » Voilà ! le reste importait
peu.                                                       •
   Autrefois, pour attirer les Lyonnais à une fête on n'avait qu'à en signaler
l'heure et le jour. « Le 19 janvier courant, M. Pilastre du Rosier partira
des Brotteaux avec son ballon. » C'était simple et on y allait. Aujourd'hui,
pour avoir la foule, il faut plus d'éloquence. Voulez-vous annoncer la pré-