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76                         tJNE NOCE.

sauvage entouraient de belles vignes dont les branches, rele-
vées en faisceau montraient, sous leurs feuilles rougies, une
profusion de grappes blondes et brunes entraînées par leur
poids vers le sol, et prêtes pour le couteau du vendangeur.
Dans le lointain, s'estompaient de teintes rougeâtres les toits
du village qui se miraient dans la Saône, cette rivière aux
caprices charmants, aux rives fleuries, aux îles à demi-sub-
mergées.
    Quoique chasseur, M. Husson ne voyait que vaguement ce
paysage où tout respirait cet air de champêtre opulence, de
sécurité paisible que possèdent les campagnes du Maçonnais.
Les buissons cachaient cependant des cailles qui faisaient en-
tendre des bruits monotones et saccadés ; un vol de perdreaux
venait de traverser la Saône et passait, à portée du fusil, à
droite de l'avenue; et cependant le voyageur, absorbé dans
ses pensées, inatlenlif à l'attitude de ses chiens que le gibier
rappelait à leurs instincts cynégétiques, n'entendait pas les
cailles, ne voyait pas les perdreaux. C'est que le goût de la
chasse cédait à une préoccupation plus grande, quitte saris-
doute à reprendre ses droits quand celle-ci, à son tour, aurait
décliné.
    De quelque nature que fussent les pensées de M. Husson,
il était aisé de voir qu'elles lui faisaient éprouver la joie mys-
térieuse qui précède un triomphe attendu; quoique grave
de physionomie, il se souriait à lui-môme imperceptiblement;
à ce sourire satisfait et cependant ferme el empreint de cir-
conspection, un observateur eût pu deviner l'aisance d'un
homme qui compte sur lui-même el sur les autres, jointe au
calcul froid et serré qui ne se paie pas d'espérances hypothé-
tiques. M. Husson marchait rapidement et avec un tel oubli
des choses extérieures, qu'il ne vit pas bientôt à ses côtés le
vieillard qui l'avait reconnu à la gare; mais si la préoccupa-
tion est distraite et silencieuse, le bonheur est bavard ; le