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UNE NOCE. 79 blâmer est une contrariété et garder rancune une souffrance, le père Fontaine reprit la parole et dit: —Voyez,monsieur Husson,comme nous sommes méchants, nous autres vieux. Depuis un quart d'heure, je rumine dans ma tête que c'est bien mal de votre part de ne pas vous sou- venir du père Fontaine qui vous a fait sauter sur ses genoux en vous chantant des chansons militaires et dont la femme vous a nourri de son lait. Enfin, puisque vous êtes revenu, c'est que le pays vous tient tout de môme un peu au cœur et sans doute toute votre science ne vous empêchera pas de fêler tous vos anciens amis. D'abord, nous, nous avons toujours pensé à vous. On est simple, on est pauvre et on garde chez soi tous les souvenirs du passé. Mon fils Claude parle souvent de vous et il vous fera une meilleure réception que le jour où on vous apporta chez nous et où l'on vous mit sur les genoux de sa mère. Etait-il fâché, ce garçon ! Cela n'avait que qua- torze mois et cela grinçait déjà de ses quatre petites dents en vous voyant caressé à sa place. Pauvre chère femme ! vous ne ia verrez pas, elle est morte depuis des années, mais c'est tout de même fête à la maison ; Claude est revenu du service, il épouse la Marie Bellouard et vous nous ferez plaisir si vous voulez bien venir à sa noce et lui servir de garçon d'honneur. — Je vous remercie, père Fontaine, répondit Frédéric plus contrarié que jamais de sa rencontre avec le tisserand; croyez que si ma mémoire m'a mal servi tout d'abord, j'avais cependant conservé de vous un bon souvenir ; j'irai demain chez vous causer un instant avec Claude que je serai enchanté de voir, mais je ne vous promets pas de pouvoir me rendre à votre in- vitation, car je ne suis que pour deux jours aux Grandières. — Justement, dit le père Fontaine, Claude se marie demain et vous arriverez tout juste à point. Pourrons-nous compter sur vous? Cette insistance était indiscrète ou du moins Frédéric la jugea