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78                        UNE NOCE.

 car mon fils aîné Claude en a vingt-huit et deux mois. Je ne
suis pas fort sur les dates, mais il faudrait que je fusse plus
sot que mes navettes pour ne pas me souvenir de l'âge de mon
fils, moi qui ai tenu ses papiers encore ce matin, Oui, c'est
bien cela, vingt-sept ans, sept ans de plus tout juste que votre
cousine, MUe Louise. Vous souvenez-vous du temps où vous
couriez avec elle dans le pré des Ormoyes et dans le jardin
des Grandières? il me semble encore vous voir tous les deux
près du pavillon qui regarde la Saône, et où vos mères tra-
vaillaient pendant que vous étiez occupé à jouer avec elle.
Oh! les deux jolis enfants! allez, vous ferez tout de même
un beau couple.
   — Je ne comprends pas un mot de ce que vous me dites
là, dit Frédéric avec humeur. Que fait à mon âge l'âge de
ma cousine et celui de votre fils?
   — L'âge de mon fils ! mais je m'appelle le père Fontaine !
   — Je le sais, j'ai entendu prononcer votre nom à la gare.
Eh bien après?
   — Après, dit le vieillard d'un ton où la surprise se nuan-
çait de tristesse. Après ! répéla-t-il d'une voix un peu trem-
blante. Après, rien ! dit-il enfin avec un soupir.
   Frédéric n'insista pas; l'allusion que le vieillard venait de
faire à son mariage projeté avec sa cousine l'avait tellement
choqué qu'il ne chercha pas à s'expliquer la cause du dou-
loureux silence observé par le père Fontaine. Ils conti-
nuèrent cependant à marcher côte-à-côte, le paysan, malgré
la froideur avec laquelle il était souffert, réglant toujours sa
démarche sur celle du jeune homme, et celui-ci à son tour,
n'osant, malgré sa morgue intérieure, hâter le pas de manière
à laisser en arrière ce hardi et familier personnage. Ce silence
dura jusqu'au moment où ils atteignirent les premières mai-
sons du village; mais comme les fâcheuses impressions s'affai-
blissent bientôt dans les âmes bienveillantes pour lesquelles