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                       ET AU LAC MAJEUR.                       461

les voluptés de celle nuit, el comme s'il devait nous êlre donné
de les mieux sentir en nous rapprochant des flols, nous voilà
accroupis au fond de la barque, serrés les uns contre les au-
tres, les mains dans les mains , les yeux dans les yeux , et
frémissant aux étreintes des eaux qui nous enlacent el
nous pressent de leurs ondes retentissantes.. Nous chantions,
les voix étaient peu assurées , mais les cœurs vibraient. Tout
semblait se réunir pour faire de ces heures des heures qu'on
n'oublie jamais; là, résonnaient les harmonieux accords d'un
concert invisible ; plus loin, déjeunes fous tiraient, au milieu
des eaux , un feu d'artifice dont ils avaient l'embarras et nous
le plaisir ; el, là-bas, à peine éclairé par les rayons de la lune,
cachant sa tôle dans la nue et couvert de son blanc linceul de
neige, se dressait le géant des Alpes, comme un fantôme, ou
plutôt comme le roi sublime de ces merveilleuses contrées.
   A de pareils spectacles, le silence seul convient et c'est, plon-
gés dans une rêverie profonde , que nous abordâmes au port
élincelant d'un triple cordon de feux.
   Le soleil du lendemain nous trouvait dans l'humble cha-
pelle catholique , où nous adorions, au milieu de rares fidèles,
le Dieu qui creusa les lacs , souleva les montagnes el peupla
les cieux. Peu d'heures après, un splendide paquebot empor-
tait à Vevey , d'où je vous écris , quatre cœurs qui vous ai-
ment et vous embrassent, et moi, comme tenant la plume,
et pour ma peine, aussi fort que tous les quatre ensemble.