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390                  F.-U. DE LA MENNAIS.

comme pour la politique, elle doit venir, par conséquent, d'en
haut, non d'en bas. Or, l'esprit démocratique, dans tous les
ordres, dissout pour absorber et dissoudre encore toute hauteur;
et «on principe est nécessairement en bas.
   Expliquons-nous :

   A l'époque où l'abbé de la Mennais fit sa lumineuse apparition
dans le monde philosophique, nous en étions aux derniers jours
du Sensualisme épicurien du XVIIIe siècle, et déjà on commen-
çait à pressentir l'aurore de la résurrection parmi nous du Spiri-
tualisme cartésien. Que l'abbé de la Mennais répugnât aux mol-
lesses impies du premier de ces deux systèmes de philosophie ,
il suffit, pour s'en convaincre, de relire ces pages d'une raison
si haute dans lesquelles , s'autorisant des anathèmes de saint
Paul, on le voit résumer toutes les agitations , toutes les luttes
de ce bas monde dans le grand et éternel combat de la Chair
contre l'Esprit. Et n'est-ce pas lui enfin qui a dit, avec une si
remarquable finesse : que la volupté est l'orgueil des sens comme
l'orgueil est ,la volupté de Vintelligence ?
   Mais, quelle qu'ait été, d'autre part, la véhémence de la
polémique de l'abbé de la Mennais contre le Spiritualisme de Des-
cartes, il n'est pas aussi facile d'affirmer qu'il n'eût aucune sym-
pathie , instinctive , latente, involontaire pour la méthode pure-
ment rationnelle de ce philosophe; et que cette sympathie ,
exagérée aussi, pour les droits de la raison humaine, tant
justes soient-ils! n'ait pas été, en lui, le commencement d'un
entraînement vers ce Rationalisme absolu, qui en est le dangereux
excès, et que Fr. de Schlegel nomme, avec si grand sens, le
paganisme moderne de la raison humaine.
   C'était, au point de vue religieux, un assez triste temps que
celui dont nous parlons. Le petit troupeau des fidèles, déjà bien
décimé par l'incroyance toujours en règne, s'y pouvait diviser en
deux parts composées : l'une, d'âmes qui croyaient sans esprit :
l'autre, d'esprits qui croyaient sans âme : foi puérile et chétive
dans les uns , froide et inféconde dans les autres. Quant aux
chrétiens qui osaient associer pleinement et leur intelligence et