Revue du Lyonnais » série 2 - n°8 ( 1854 ) » pp.457

                      ET AU LAC MAJEUR.                       457

droite et à gauche, les quais, les Bergues, le port, avec leurs
constructions opulentes ; sous nos pieds , le fleuve s'avance
comme une vague du lac poussée par la brise du soir, puis ,
vingt pas plus loin, se précipite grondant et furieux, indigné
des vieilles maisons qui l'enserrent et le déshonorent.
    La Rome protestante est bientôt parcourue , plus rapide-
ment encore visitée : point de monumentsdignes defixer l'at-
tention; si la nature lui a prodigué ses trésors, l'art n'a rien
l'ail pour elle. Ici tout est régulier, correct, froid et triste ;
pas de bruit dans la ville, pas d'émotions sur les visages, on
dirait une cité de muets et d'automates. Un jardin botanique,
dont l'hôtel du philhellèneEynard est le plus bel ornement»
quelques maisons aux façades imposantes ; de verdoyantes
promenades ombragées d'arbres touffus, composent tout le
bagage artistique de la ville des méthodistes et des banquiers.
Une façon de temple grec renferme ce qu'on est convenu
d'appeler un Musée, ainsi du moins l'a voulu M. Rath, son
fondateur, citoyen de Genève , mort général au service de
l'autocrate. Ce musée ne paraît pas avoir une grande valeur, à
en juger par les quelques toiles que n'a pas chassées une expo-
sition temporaire d'anciens maîtres ; sauf une fort belle page
du Dominiquin, dit-on , représentant David portant la tête de
Goliath au bout de l'épée , inslrument et prix de sa victoire ,
tandis qu'autour de lui les filles de Judas célèbrent, par des
chants et des danses , la gloire du jeune berger, dont le front
rayonne déjà de l'éclat du diadème. Une autre œuvre captive
aussi notre attention : sur un lit entouré de vieillards attentifs
et désolés , se dresse, long et pâle, un homme, ou plutôt un
spectre , dont les yeux seuls ont conservé comme un reste de
vie ; de sa bouche contractée par les approches de la mort,
peut-être aussi par les luîtes terribles d'une âme livrant à la
vérité son dernier combat, semblent tomber quelques paroles
suprêmes avidement recueillies ; nous restions là immobiles