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450 LA CHAPELLE DE LA VIERGE. gieuse, il voulait arriver de l'esprit à la matière, du contenu à l'enveloppe, de l'âme au corps. Il pensait, en pur chrétien, que le sentiment primait la forme . et il s'occupa de la partie psychique de la peinture avant de songer à la partie plastique. Cependant, comme l'idée doit avoir pour vêtement la beauté, sous peine de ne pas être perceptible, Victor Orsel resta dans de longues contemplations devant les stanzes et les loges du Vatican pour élever son style et surprendre les secrets de la forme assurée et complète ; de Raphaël il passa à Pérugin, à Giotto et aux maîtres du Campo Santo de Pise, si pleins d'onction et de mysticité ; en même temps, il étudiait avec amour l'anti- quité grecque , prise à ses origines dans ces bas-reliefs de tombeaux., d'une grâce si pure et si touchante, où le paganisme s'attendrit presque jusqu'à la mélancolie chrétienne ; et comme toute recherche consciencieuse du beau aboutit à l'adoration des chefs-d'œuvre de l'antiquité , l'idéal que poursuivait si laborieusement Victor Orsel fut désormais fixé. — Comme il le disait lui-même avec un rare bonheur d'expression : il eût voulu « baptiser l'art grec. >• Baptiser l'art grec, c'est-à -dire mettre l'à me dans cette forme si belle, si tranquille, si lumineusement sereine, qui semble inaccessible aux souffrances et aux misères humaines, et sous laquelle ces dieux de marbre jouissent « de la plénitude de leur immortalité,» comme dit le grand poète de Weymar. Cette idée offrait d'immenses difficultés de réalisation : les principes de l'art grec et de l'art chrétien sont tellement opposés, qu'une fusion semble presque impossible entre eux ; l'un exalte la matière et l'autre la repousse ; le premier déifie ce que le second foule aux pieds. Cependant, les merveilleux artistes de la renaissance ont su donner au Christ la beauté d'Apollon, à Jéhovah celle de Jupiter olympien, à la Vierge celle deJunonou de Minerve, en leur conservant un caractère religieux ; non pas, certes, d'un ascétisme outré, comme les maigres peintures du moyen âge, mais d'un spiritualisme majestueux et souriant, comme il convenait à l'église triom- phante.