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386 F.-R. DE LA MENNAIS. Croix ne craint ni ne désire la sagesse de la raison humaine. Si parfois elle accepte ses services, elle ne les accepte que comme d'un auxiliaire soumis ; et, du jour où l'auxiliaire se veut faire maître, il lui suffit d'un mot pour réduire à néant cette audace, et faire le vide de l'horreur ou de la pitié autour de ces paro- distes du premier Lucifer. Que les libertins religieux accueillent alors ces transfuges avec transport ; que cette robe de prêtre profanée qu'ils ont en si grande haine soit une livrée qui leur plaise dans ce volte- face de croyances accompli à leur profit ; qu'ils poussent même l'abnégation jusqu'à effacer de leur souvenir les mordants sarcasmes décochés contre eux, la veille, par leur rallié du jour, il n'y a rien là qui nous étonne; et il faut même que cela soit. Ces hommes doivent agir de la sorte, pour nous donner la juste mesure du peu de foi qu'ils ont en la puissance de leurs seuls principes. Ils ne croient qu'à l'indépendance absolue de la rai- son de l'homme, et l'on peut bien dire que de renégat à indé- pendant il y a peu de distance. Ainsi se grossit l'armée de l'anar- chie; et cela seul suffirait pour la prendre en pitié profonde de la voir s'en applaudir et s'en glorifier ! Evidemment, au milieu de cette grande contradiction que sou- lève une telle vie entre les hommes religieux et les impies, cha- cune des critiques indiquées ci-dessus ne peut à elle seule ter- miner le débat ; et ce n'est pas trop de la réunion en un seul faisceau de tous les éléments de jugement pour en finir avec un pareil justiciable. Donc puisque le rationalisme humain s'est fait son champion, ne serait-il pas bon qu'il fût, par contre aussi, son accusateur et son juge?... Passer au crible de la simple raison tous ces débris de systèmes entassés en volumes par leur auteur dans des buts si divers et pulvérisés par les foudres de l'Eglise, pour voir dans quelle proportion sont les atomes de vérité humaine qu'ils peuvent renfermer avec les erreurs qui les constituaient, ne serait-ce pas encore une œuvre utile : une œuvre digne de compléter, ou du moins de rendre (humainement parlant) plus manifestes à tous les esprits, même les plus rebelles, les hautes