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300 TABLEAU DE LA LITTÉRATURE DU NORD. intelligence. Et, comme l'oiseau merveilleux, messager de l'avenir, elle se dirige, guidée par un instinct prophétique vers les hauteurs du monde, les cîmes gigantesques du Cau- case, du Taurus et de l'Himalaya, qui sortirent un jour des flots et étendirent sous le ciel apaisé leurs longues chaînes de montagnes et les vallées délicieuses de leurs riants Edens. Là fut le berceau de toute civilisation, là plus apparente que les débris souterrains des cataclysmes, surnagea une des langues parlées par les premiers hommes, laquelle élaborée dans le cours des âges, devint celle d'une grande nation. Trente siècles au moins ont passé, mais les débris de cet idiome, retrouvés de nos jours, sont des témoins irrécusables de l'antique fraternité des peuples. Ne croyons pas que le langage humain soit une vaine formule, un symbole trom- peur, sons fugitifs que le moindre vent emporte ; il est, au contraire, la manifestation la plus profonde de l'âme humaine, le lien entre le monde de la matière et le monde des idées, le trait d'union entre l'âme et le corps, et ces restes de mots ne sont autre chose que « des fragments de l'histoire des na- tions. » Quand l'historien manque de monuments, de docu- ments, de titres écrits sur le granit ou sur le papyrus; quand le savant, géologue ou analomiste, a interrogé inutilement une couche anlé-diluvienne , un crâne humain qui s'obs- tine à garder le secret déposé par le créateur dans le sein de la terre ou dans les proportions d'un angle facial, souvent le philologue se présente, et avec quelques dizaines de conson- nes ou de voyelles, le voilà qui, par des comparaisons ingé- nieuses mais simples, va, à l'aide d'une analyse logique, démontrer presque géométriquement des choses merveil- leuses et pourtant très réelles. Par exemple : que les premières races humaines durent descendre du vaste plateau de l'Asie, couronné de neiges éternelles, et suivre le cours des fleuves immenses qui arrosent celte immense contrée ; qu'une d'elles,