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150                          DE LA SATIRE

anglaise et lui a donné l'humour. Heywood est un des plus curieux
personnages de la littérature de cette époque. Au rebours de Baie,
sa vie est moins intéressante que ses œuvres, elle est remplie
par les mêmes vicissitudes de faveurs et de disgrâces, mais la
souplesse de son caractère y oppose moins de résistance, il joue,
pour ainsi dire, un rôle impersonnel ; son histoire est celle d'une
partie de la nation. Son talent, au contraire, est des plus mar-
qués ; c'est l'esprit moqueur d'un trouvère uni à la verve imagi-
 native et joyeuse d'un Rabelais. Heywood est, en fait, sinon en
 date, le fondateur de la comédie en Angleterre ; voilà des titres
 suffisants à notre intérêt, et cependant nous n'avons pas dit le
 plus piquant. Heywood est un catholique qui se moque des ca-
tholiques. 11 respecte l'Eglise et il prend à parti les prêtres et les
moines, il a foi au Purgatoire, et il. se raille des indulgences;
il croit aux saints et aux miracles, et il anticipe cet inventaire
burlesque des reliquaires, que les émissaires d'HenriVIII firent
à la suppression des couvents (1). Sa plaisanterie est d'autant
plus pénétrante qu'elle affecte un ton révérencieux. Il compose
des pièces où l'on voit un moine et un prédicateur se rosser en
pleine église, un curé narquois qui joue un rôle assez peu décent
dans certaine comédie à trois personnages dans le goût de Boc-
cace, un indulgencier et un pèlerin, qui font assaut de mensonges
pour en aller boire l'argent au cabaret, et il termine ces belles
choses en priant le public : « de ne point prendre en mauvaise
part ce quia été dit à bonne intention ; » il le congédie en l'exhor-
tant à « persévérer dans la sainte foi de l'Église catholique. »
Que penser de ceci ? Heywood péchait-il sans préméditation
en vrai petit-fils de ces naïfs moqueurs du moyen âge qui jouaient

         Les sainU, la Vierge cl Bien par piélé.

   Mauvaise excuse pour un homme de cour, dont l'éducation
avait été faite à Oxford, et qui fut l'ami intime du chancelier
Thomas More. Ou bien était-ce une espèce de Gringore qui
servait en secret la politique d'Henri VIII, en bafouant les

  (i) Voir Hume, rh;>p ;">!. I'}.