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122 PHILOSOPHIE CARTÉSIENNE défend et recommande la nouveauté en philosophie, parce que la raison veut que nous jugions les anciens plus igno- rants que les modernes : « Au temps où nous vivons le monde est plus âgé de deux mille ans, il a plus d'expériêfcce, doit être plus éclairé, c'est la vieillesse et l'expérience du monde qui font découvrir la vérité (1). » Je retrouve la même pensée dans presque tous les carté- siens. Avec quelle vigueur Arnauld ne réfute-t-il pas la thèse du progrès de la corruption et de l'aveuglement qu'un théo- logien opposait à la philosophie nouvelle ! « C'est, dit-il, un paradoxe ridicule de s'imaginer que les plus anciens aient toujours été les plus savants, par celte raison que le nombre des siècles augmente la corruption générale de la nature hu- maine et avec elle l'aveuglement de la raison naturelle. Si cela était, il faudrait qu'il y eût, avant le déluge, de plus habiles médecins, de plus savants géomètres qu'Hippocrale, Archi- mède et Plolémée. N'est-il donc pas visible, au contraire, que les sciences humaines se perfectionnent par le temps? Je ne daigne pas m'étendre là -dessus Mais ce sont plutôt ces grands hommes de l'antiquité païenne qui ne sont nullement comparables, au regard des sciences naturelles, desquelles seules il s'agit ici, aux grands hommes de ces derniers temps C'est donc parler en l'air et par une prévention tout à fait déraisonnable que de prétendre que les philosophes modernes ne sont pas comparables à ceux de l'antiquité (2). » Comme Arnauld, Nicole croit au perfectionnement successif de la raison. Après avoir montré, pour combattre le sentiment de l'éternité du monde, que toutes les inventions des hommes sentent la nouveauté et désavouent l'éternité, et qu'il n'y a point d'historien qui remonte au-delà de quatre mille ans, il (1) Recherche de la vérité, 2 U livre. (2) Examen d'un Irailr de l'essence des corps, loinc 38 des OEuvres l'om- plètes.