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PHILOSOPHIE CARTÉSIENNE. 123 ajoute : « On voit depuis ce temps un progrès perpétuel du monde pareil à celui d'un homme qui sort de l'enfance et qui passe par les autres âges (l). » La Bruyère présente la même pensée sous la forme la plus piquante et la plus origi- nale : « Si le monde dure seulement cent millions d'années, il esl encore dans toute sa fraîcheur et ne fait presque que de commencer ; nous-mêmes nous touchons aux premiers hommes et aux patriarches, et qui pourra ne pas nous con- fondre avec eux dans des siècles si reculés ? Mais si l'on juge par le passé de l'avenir, quelles choses nouvelles sont incon- nues dans les arts, dans les sciences et dans la nature, et j'ose dire dans l'histoire! Quelles découvertes ne fera-t-on point ! Quelles différentes révolutions ne doivent pas arriver sur toute la face de la terre, dans les états et les empires ! Quelle igno- rance est la nôtre, et quelle légère expérience est celle de cinq ou six mille ans ! » Ainsi, comme contempteurs de l'antiquité, comme défen- seurs de la supériorité universelle des modernes sur les a n - ciens, Perrault, Lamotte, Fonlenelle, Terrasson relèvent de Descartes et de son école , et la querelle des anciens et des modernes fut excitée par l'esprit même du cartésianisme. Je ne m'attache qu'au côté sérieux et philosophique de la que- relle, je ne m'arrêterai pas au défaut de goût, de sentiment poétique et d'érudition , tant de fois et si justement reproché aux partisans des modernes. Comme contempteurs d'Homère, comme détracteurs aveugles et ridicules des chefs-d'œuvre d'Athènes et de Rome, je les abandonne de bon cœur à La Fon- taine, à Boileau, Racine, La Bruyère et même à M me Dacier; mais, au milieu de toutes leurs erreurs et de tous leurs ridi- cules, il y a une grande vérité, celle de la perfectibilité, dont (l) Discours contenant en abrégé les preuves de l'existence de Dieu et de l'immortalité de l'à mr.