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PHILOSOPHIE CARTÉSIENNE. 12f cevoir, s'il eût voulu, que c'est la louange que l'on doit donner aux chevaux et aux chiens de chasse. » Ayons de l'indulgence pour ce défaut de justice et de goût du cartésianisme au r e - gard de l'antiquité, car ce fut la suite, à peu près inévitable, de toute réaction, et en même temps la condition du dévelop- pement de l'idée de la perfectibilité. Il était difficile que l'anti- quité tout entière ne ressentît pas le contre-coup de la chute d'Àrislote, et que les défenseurs de la supériorité des modernes ne fussent pas un peu semblables, suivant la comparaison de La Bruyère, à ces enfants drus et forts d'un bon lait qu'ils ont sucé, qui battent leur nourrice. Mais, en même temps que ce mépris de l'antiquité, nous trouvons déjà dans Descartes, et surtout dans Malebranche, le sentiment d'un progrès nécessaire de l'humanité par la suite des temps. Si, dans son emportement contre l'antiquité et contre l'autorité, Descartes ne s'inquiète pas même, comme il écrit à Gassendi, de savoir s'il y a eu des hommes avant lui, il s'inquiète beaucoup de ceux qui viendront après lui, et, par le progrès des sciences, il ose prédire une amélioration indé- finie du physique et du moral de l'homme. De même que Bacon, Descaries a dit qu'il ne faut pas attribuer quelque chose aux anciens à cause de leur antiquité, que c'est nous qui sommes les vrais anciens, parce que le monde est au- jourd'hui plus ancien, et que nous avons une plus grande ex- périence des choses (1). Cette même pensée est admirable- ment développée par Pascal, dans la préface de son Traité sur te Vide. Tel est aussi le sentiment de Malebranche, qui (1) Baillet cite celle pensée de Descaries en laliu cl d'après des frag- ments manuscrits : « Non est quod anliquis raultura tribuainus propler nntiquitatem, sed nos polius iis seniores dicendi. Jam enim senior est mun- dusquam lune, mnjoremquc hulicimis rerum experienliam, »Vir de Descaries, liv, 8, chap, 10.