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82 EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ M. Node, de Montpellier, a envoyé des fleurs et des fruits, d'une bonne exécution, les fruits surtout. Avant de passer au paysage, mentionnons les peintres d'ani- maux, MM. Guy, Paris, Simon, Loubon, Kiorboe. Le Salon de cette année présente plusieurs agréables compositions en ce genre, mais rien qui soit exceptionnellement remarquable. C'est un des phénomènes les plus curieux de fart dans ce temps-ci, que l'abondance des paysagistes et la faveur dont leurs œuvres paraissent entourées. Dans l'art antique, le paysage est presque inconnu : ces per- spectives prises sur la mer, sur les vastes jardins des patriciens opulents, que l'on trouve peintes à fresque dans les maisons de Pompeï et d'Herculanum, ont été tracées par des mains peu habiles ; elles ne peuvent entrer en comparaison avec le fini merveilleux des autres peintures, des statues, des bas-reliefs et des ornements de l'architecture de cette époque ; ce sont de simples souvenirs qu'on a voulu fixer à la hâte. Dans la renaissance de l'art en Italie, le paysage est également inconnu ; le Pérugin, Raphaël, Albert Durer l'emploient acces- soirement pour servir de fonds et de cadre à leurs compositions. Claude Lorrain et le Poussin qui créèrent cette branche toute moderne de l'art, lui donnèrent un grand caractère, un grand but; ils s'en servirent pour reproduire l'aspect des lieux les plus célèbres dans l'histoire, ou des plus imposants spectacles de la nature. Ruysdaël et les Hollandais donnèrent au paysage une expres- sion intime ; ils en firent sortir l'image de la patrie. 11 y a dans leurs œuvres un goût de terroir, un amour des forêts, des plages, des fleuves et des prairies du sol natal, qui charme et attendrit. Ceux qui ont créé le paysage et qui sont restés en même temps les plus grands paysagistes connus, associèrent ainsi constam- ment une pensée, une expression morale aux reproductions qu'ils donnèrent des sites de la nature, et cette association nous semble une condition indispensable pour que le paysage soit sérieuse- ment une œuvre d'art. Assurément, parmi les nombreux paysagistes d'aujourd'hui, il en est qui s'efforcent d'atteindre à l'élévation du style, mais la plupart ont choisi ce genre parce qu'avec une habileté ordi- naire on peut y obtenir encore des résultats, où le goût ne trouve pas trop à reprendre. L'incorrection du dessin, l'in- exactitude des formes n'empêchent point certains paysages d'être fort agréables. Le vague, l'indécision leur donnent souvent même de l'attrait, en invitant l'esprit à la rêverie.- ces paysages pro- duisent l'effet de l'opium, de la fumée du tabac, de l'ivresse légère.